"Nous avons un seul plan : nous allons désormais soutenir, entraîner et fédérer les entrepreneurs!"

Face à 1.300 personnes, François Bayrou a défendu "pour tous les secteurs d'activité du pays, une stratégie nationale pour les entreprises", lors d'un meeting à Rouen, mercredi 4 avril.

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Merci mes chers amis,

Je suis très heureux de votre présence à Rouen, je suis heureux d'être à Rouen, je suis heureux que vous soyez là et c'est pour moi, vous le comprendrez, un lieu et un moment très émouvant parce que je viens, avant d'entrer dans la salle, d'entendre Pierre Albertini qui est un homme en qui j'ai une grande confiance, pour qui j'ai une profonde amitié et à qui je suis extrêmement reconnaissant de l'aide qu'il apporte à notre équipe et de l'engagement qu'il a voulu pour cette campagne présidentielle.

Ayant évoqué avec gratitude la présence et l'action de Pierre Albertini auprès de moi, vous me permettrez de dire seulement un mot d'un autre maire de Rouen que, comme très jeune homme, j'ai beaucoup aimé, avec qui j'ai partagé beaucoup, beaucoup de foi dans des idées, dans l'avenir. J'étais tout à l'heure ému en remontant la rue qui porte son nom. J'ai fait, dans cette salle, une réunion publique terriblement émouvante avec lui alors qu’il achevait son mandat et sa vie.

Jean Lecanuet est venu ici avec moi, très jeune responsable politique à côté de lui, défendre le « oui » au traité de Maastricht. Et j'étais dans cette salle, dans la ville qu'il aimait plus que tout, et sur le combat qu'il considérait comme le plus important pour l'avenir de la France, il jetait ses dernière force, et j'étais avec lui. Et la vie a fait, c'est une de ces rencontres incroyables, que nommé ministre du gouvernement j'aie dû assumer l'honneur et la charge de faire devant le Sénat l'éloge funèbre de celui qui avait été pour moi un ami, un proche, un guide en politique.

Alors vous imaginez l'émotion que j'avais en remontant la rue qui porte son nom. Et donc Pierre Albertini, Jean Lecanuet, vous me permettrez de dire deux fois merci à Rouen et aux Rouennais.

Et vous voyez, je viens d'évoquer devant vous ce qui a été le combat d'une génération, ce qui a été le combat d'un pays, ce qui a été le plus important des engagements, toutes étiquettes politiques confondues, des hommes qui avaient vécu la guerre et qui, au lendemain de la guerre ont dit : "Plus jamais ça !".

Et ces hommes-là, ces femmes-là qui portaient aussi bien le nom de Jean Lecanuet, de Valéry Giscard d'Estaing, de François Mitterrand, de Helmut Kohl, de Jacques Delors, cette génération-là, voilà que leur œuvre se trouve aujourd'hui mise en cause, abandonnée, voilà que l'on n'en parle même plus !

 

Vous n'avez pas entendu, sinon dans notre bouche, le mot « Europe » pendant cette campagne présidentielle, pas un discours, pas une intervention, pas une réflexion, rien qui donne le sentiment que nous avons à rebâtir ce qui est le seul espoir pour un peuple comme le nôtre.

Eh bien j'en parlerai ce soir avec vous. Mais si je regarde d'un regard panoramique l'intégralité des problèmes que Pierre Albertini évoquait à l'instant devant vous et qui se posent à notre pays, qui sont au-dessus de notre tête comme cette épée de Damoclès qui ne tenait que par un fil, qui sont avec certitude les questions de notre vie de chacun d'entre nous : les questions des enfants qui n'ont pas de travail même quand ils ont des diplômes, les questions des adultes qui ont charge de famille qui tout d'un coup, simplement parce qu'il ont 45 ou 50 ans, ne trouvent plus d'emploi pour nourrir leur famille, et quand je regarde l'appauvrissement du pays, parce que je sais très bien que tous parmi vous, vous dites "On a de plus en plus de mal avec les fin de mois", c'est la vérité !

Mais ne croyez pas que ce soit une vérité de votre famille ou de votre petite retraite ou des salaires qui n'apportent plus le niveau de vie que nous avions il y a peu.

Ce n'est pas une question de famille, c'est une question de l'ensemble du pays, de l'ensemble de la nation qui se trouve appauvrie chaque mois un peu plus. Et quand une nation s'appauvrit, les familles s'appauvrissent, sauf le 0,5 % de gens qui dans la situation du pays trouvent une amélioration parce qu'ils sont au bon endroit ou plus habiles que les autres ou peut-être ils ont plus de relations que les autres… mais de l'appauvrissement du pays et des familles, qui en parle ? Personne ne parle du chômage ! Qui parle ? Personne ne parle du surendettement scandaleux, honteux, inacceptable, condamnable du pays ! Qui parle ? Pas un mot !

Et de la responsabilité de ces gouvernants qui ont pris la décision laxiste de dépenser l'argent qu'ils n'avaient pas même pour le fonctionnement courant du pays et de le mettre sur les épaules des plus jeunes qui sont dans cette salle, ce qui devrait entraîner un procès public en irresponsabilité contre ceux qui ont laissé faire cette chose-là parce que dans une famille, dans la vie de tous les jours, si l'héritage est chargé de dette, on a le droit de refuser l'héritage. Demandez au notaire… On a le droit de dire : "Non excusez-moi, là, franchement le passif est plus important que l'actif, vous le ferez sans moi"…

Mais dans un pays on n'a pas le droit de le faire. Et c'est pourquoi il est honteux et irresponsable que l'on ait mis le fonctionnement courant du pays, les frais généraux du pays, le paiement des fonctionnaires, le remboursement des feuilles de Sécurité sociale et le paiement des retraites sur les épaules de ceux qui vont avoir à payer des retraites plus nombreuses, de la solidarité plus chère, une santé davantage en cause parce que les générations vont vieillir.

On a accumulé deux dettes sur leurs épaules. Eh bien ceci est purement et simplement inacceptable, nous menace dans notre indépendance, nous menace dans notre possibilité de développement. Et qui en parle ? Personne !

Alors ne vous étonnez pas de ce qui se passe dans la campagne présidentielle française et de voir tant et tant de millions de français plus nombreux chaque semaine dire : "Au fond cette campagne ne nous intéresse pas, cette campagne n'est pas la nôtre, elle ne parle pas de nous, elle ne parle pas de notre vie, elle ne parle pas de nos problèmes, elle ne nous donne aucun espoir, il s'agit seulement de phrases polémiques des uns contre les autres sans qu'on sache même quels sont les sujets qui vont être ceux sur lesquels le pays va trancher."

Et voilà pourquoi j'ai mené le combat, oh ! de démocratie élémentaire… de faire remarquer à ceux qui organisent les chaînes de télévision et le service public de la télévision que, s'ils veulent bien nous excuser de cette remarque, ils ont organisé deux débats pour les primaires du parti socialiste, en première partie de soirée pendant des heures et pendant des heures, et ils s'apprêtaient à n'en organiser aucun pour le premier tour de l'élection présidentielle !

Eh bien je dis, j'espère que de ce point de vue-là nous aurons au moins forcé le destin, que les Français ont droit à avoir un débat devant eux pour savoir sur quoi on va trancher et quelles sont les positions des uns et des autres.

Alors on nous dit maintenant : "Ah bon, en effet les arguments que vous avancez sont probablement des arguments finalement intéressants et utiles, mais alors nous allons vous inviter à vous exprimer chacun à votre tour sans qu’il puisqu'y avoir de contradiction entre vous."

Mais excusez-moi, pour le parti socialiste, vous avez fait l'expression de chacun et le débat entre ceux qui se présentaient.

Eh bien les Français ont droit à avoir le même modèle : expression et débat et contradiction entre les candidats pour l'élection présidentielle.

Non, ce n'est même pas que nous voulons un débat : nous voulons une élection présidentielle de plein exercice où les Français choisissent le chemin qu'ils vont suivre, sachent sur quel problème ils vont devoir trancher et se décident en connaissance de cause dans une élection où, jusqu'à maintenant, on leur dérobe la totalité des enjeux essentiels, et nous sommes là pour que les enjeux essentiels en 2012 soient traités par l'élection présidentielle.

Et voilà pourquoi ce sont ces enjeux essentiels que j'évoquerai devant vous. Je sais bien que les candidats dits principaux n'ont pas envie qu'on traite ces sujets. Oh ! Pour deux raisons majeures.

La première, c'est que, pour Nicolas Sarkozy, le président sortant, évoquer ces enjeux, ce serait en même temps écrire un bilan, et ce bilan n'est pas un bilan flatteur, il est tellement loin des promesses qui avaient été faites, des engagements qui avaient été pris qu'il ne manquerait pas d'ouvrir les yeux des Français sur la réalité de la situation du pays. Il n'en veut pas. Nous allons l'y forcer !

Et je sais bien que, pour François Hollande, le modèle est presque le même. Il ne veut pas que l'on aborde les enjeux essentiels puisqu'il a décidé qu'il ne ferait une campagne composée que de promesses fallacieuses, de chèques de milliards et de milliards qu'il signe tous les jours depuis l'annonce de son programme sans en avoir le premier sou, c'est-à-dire en signant des chèques en blanc sur le compte des Français que vous êtes et qu'il ne pourra pas honorer. Et donc lui non plus ne veut pas un débat. Il n'en veut pas, nous allons l'y forcer !

Parce que, j'ai fait le décompte exact, dans le journal des Échos hier matin, de ces engagements et de ces promesses qui ont été pris. Quand vous avez un pays qui a 103 milliards de déficit de son budget, cette année... (dans la salle : « C'est pour nous ! ») oui, c'est pour vous ! ... 103 milliards, le chiffre passe vite mais je vais, comme tous les soirs, rappeler mon engagement de défenseur du calcul mental, 103 milliards, c'est 103 mille millions d'euros et … Applaudissements… Votre enthousiasme est bienvenu, il est chaleureux il fait monter la température, il est génial, mais je propose aux plus jeunes que nous puissions avancer dans la réflexion et je promets qu'à la fin nous aurons le temps de communion dans l'explosion de cet enthousiasme !…

Quand on a un déficit de 103 milliards d’euros et que l'on promet 30 milliards annuels de dépenses supplémentaires pour l'un, ou plus de 10 milliards de dépenses supplémentaires pour l'autre, on trompe ceux qui vous écoutent.

Ils veulent vous tromper et nous allons être là pour au contraire remettre les choses à l'endroit et que la France sache ce qu'il va en être.

 

Nous allons redresser et reconstruire, et pas laisser tromper et abuser le pays. Et donc de ces sujets, nous allons parler.

Nous sortons Pierre Albertini et moi, de Pétroplus. C'était une rencontre très intéressante dont je veux vous rendre compte. C'était une rencontre très intéressante d'abord par la remarquable qualité de l'équipe de syndicalistes que nous avons rencontrée. Je sais bien qu’il peut arriver que des équipes soient plus ou moins proposantes, portant un projet, d'autres plus revendicatives… Celle-là était pour moi remarquablement positive, intersyndicale de plusieurs représentations syndicales et cela m'a permis une nouvelle fois de vérifier que la plupart du temps, les informations que l'on donne sont des informations qui ne disent pas toute la vérité.

J'étais comme beaucoup d'entre vous j'en suis sûr, persuadé qu'il y avait des surcapacités comme l'on dit dans le raffinage français, et que donc c'est parce qu'il y avait trop de raffineries qu'un certain nombre d'entre elles étaient en difficulté. Or, les chiffres officiels que nous ont donné les syndicats de Petroplus, c'est qu'au contraire la France est en sous-capacité, en déficit de raffinage.

Et cette question, qui est celle de Petroplus, devant laquelle ils ont manifesté je ne dirais pas de l'optimisme, mais une certaine confiance dans l'avenir -vous savez que c'est demain que doivent être déposées les offres de reprise de l'entreprise et de la raffinerie, ils nous ont donné des éléments qui nous permettaient de penser que, peut-être, il existait un espoir crédible, et je m'en suis réjoui avec eux- …de la même manière, la question qu'ils ont posée sur la capacité du raffinage français, c'est une question qui se pose dans la presque totalité des domaines d'activité du pays.

Vous voulez un critère de choix pour l'élection présidentielle ? Choisissez ceux –celui !- qui vous parlera d'emploi et vous, choisissez « celui » qui vous parlera d'emploi et vous donnera une stratégie pour retrouver cet emploi.

Parce que c'est la question centrale que j'ai placée au centre de l'élection présidentielle. Si nous voulons retrouver des emplois et retrouver des ressources pour payer l'Éducation nationale, pour payer l'université, pour payer la Sécurité Sociale, pour payer la santé, pour payer les retraites, pour payer les allocations familiales dans notre pays, alors il faut que nous recommencions à produire chez nous et que nous n'acceptions dans aucun secteur du pays la disparition de l'appareil productif que nous avons acceptée depuis des années.

Plus j'ai avancé dans cette réflexion, plus j'ai regardé les raisons qui depuis des années ont fait que la France peu à peu a descendu la pente, et que ses emplois peu à peu se sont raréfiés et ses ressources peu à peu sont devenues plus faibles, plus je mesure que nous avons manqué dans notre pays de quelque chose qui est essentiel, qui est une stratégie pour la nation tout entière pour faire travailler les entreprises et les pouvoirs publics ensemble pour se défendre dans tous les secteurs de production.

Un pays comme le nôtre, qui a des succès extraordinaires industriels, on a Airbus, on a le TGV, on a la fusée Ariane, on a les satellites, dans mon village -je salue le sénateur Jean-Jacques Lasserre, mon ami, qui m'a accompagné- dans notre département et presque dans mon village, on fabrique deux sur trois des moteurs d'hélicoptères qui volent dans le monde, il y a des réussites admirables dans le monde par exemple de la chimie ou de la pharmacie.

On est un très grand pays industriel, on est un très grand pays de chercheurs, on est un très grand pays d'innovation, et cependant nous avons accepté de disparaître sans livrer bataille de secteurs entiers de la production du pays. Et on a pu nous laisser croire pendant des années, que c'était comme cela, que c'était une fatalité, que la Chine, que l'Inde, ou que la Roumanie plus proche, faisaient que, dans tous les pays européens, c'était la même chose.

On nous a menti.

Je vous demande de vérifier ce que je vais vous dire. Dans les pays européens qui nous entourent, à commencer bien sûr par l'Allemagne, mais à continuer par d'autres, la Suisse n'est pas dans l'Union européenne mais elle réalise des exploits absolument remarquables, l'Italie, en particulier l'Italie du Nord, réalise des exploits absolument remarquables, la Belgique est excédentaire dans son commerce extérieur, les Pays-Bas sont excédentaires, les pays scandinaves ont recouvré la santé…

La France est le seul pays dans son cas à se trouver avec un effondrement de son commerce, obligée d'acheter à l'extérieur plus qu'elle ne vend, de consacrer ses ressources à alimenter les économies des pays qui nous entourent et à pleurer des larmes amères sur nos entreprises et nos usines qui disparaissent.

Et ce que j'observe de plus frappant, c'est que dans les domaines où nous reculons, les autres avancent !

Je vais devant vous rappeler les chiffres, qui sont cruels pour nous, de la comparaison entre Volkswagen et Renault : deux grandes entreprises automobiles, l'une en Allemagne, l'autre en France, deux grandes entreprises qui ont toutes les deux des actionnaires publics, l'Etat est actionnaire dans Renault et l'État de Bavière est actionnaires dans Volkswagen. Voilà que ces deux entreprises en 2005, c'est hier matin, il y a à peine sept ans, ces deux entreprises fabriquent en Allemagne et en France le même nombre de véhicules, 1 200 000 pour Volkswagen en Allemagne, 1 200 000 pour Renault en France.

Vous revenez sept ans plus tard. Quel est le résultat ? Cette année Renault qui fabriquait 1 200 000 véhicules n'en fabriquera plus que 440 000. On a presque divisé par trois. Volkswagen, qui fabriquait 1 200 000 en fabriquera cette année 2 300 000. On a presque multiplié par deux en Allemagne ce que nous avons divisé par trois en France !

Or l'Allemagne est dans l'Euro, dans l'Europe, a les mêmes règles commerciales que les nôtres, le coût du travail en Allemagne est le même, légèrement supérieur même à ce qu'il est en France. Et il y a huit jours, on a appris que les salariés de Volkswagen allaient recevoir 7 500 euros de prime.

Donc la question, ce n'est pas ni le coût du travail, ni l'euro, ni l'Europe, comme on voudrait nous le faire croire. La question, c'est la stratégie d'un pays et de ses entreprises. Dans un cas, un pays solidaire autour d'entreprises solidaires ; dans un autre cas, un pays dans lequel on a joué le chacun pour soi et on est resté indifférent au sort des entreprises, même celles qui avaient l'État comme actionnaire.

Et vous comprenez bien tout d'un coup, en mettant ces faits devant nos yeux et quelques autres, que ce n'est pas une fatalité, ce n'est pas parce que nous étions écrasés par le capitalisme international ou les rêves de je ne sais quoi ou la question de la monnaie unique que nous en sommes là. C'est parce que nous avons fait des erreurs de décision et d'orientation. C'est parce qu'on n'a pas su souder le pays autour de cet immense enjeu qui est : reconquérir l'emploi pour l'enraciner sur le territoire et apporter les ressources et les richesses qui vont avec.

Eh bien, c'est cela le cap que nous allons suivre. Je vais prendre un autre exemple. Je visitais récemment des forestiers. La forêt en France est 20 % plus importante que la forêt allemande. C'est la même monnaie, les mêmes règles. Avec une forêt 20 % moins importante, nous avons 400 000 emplois dans le monde de la forêt et du bois ; avec 20 % de moins, nos voisins allemands ont 800 000 emplois. Cela veut dire que si nous étions au même niveau d'emploi, nous aurions dans le monde de la forêt, dans le monde du bois, 600 000 emplois supplémentaires par rapport à ce que nous avons. Il n'y a aucune fatalité.

Et quand j'interrogeais les forestiers, ils me disaient : « mais monsieur, personne ne s'occupe de nous faire travailler ensemble. Il y a d'un côté l'Office National des Forêts, de l'autre les forestiers privés. Il y avait autrefois une direction qui s'occupait de la forêt et du bois, elle n'existe plus. Il y avait des aides, petites, mais qui pouvaient être utilisées, elles n'existent plus. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes ». Et la plupart des entrepreneurs français ont le sentiment qu'ils sont abandonnés à eux-mêmes.

Nous avons un seul plan : nous allons désormais les soutenir, les entraîner, les fédérer, bâtir autour d'eux le soutien et l'animation, l'entraînement dont ils ont besoin pour se ressaisir.

J'ai souvent réfléchi aux fleurons industriels que j'évoquais devant vous, aux succès formidables qui sont les nôtres et qui nous servent de devanture à la surface de la planète, aux Airbus, aux fusées Ariane, aux sous-marins... Nous avons tout cela comme réussite exceptionnelle devant nous. Mais tout d'un coup, je me suis aperçu de quelque chose qui va vous frapper aussi. Si vous réfléchissez… le TGV, la fusée Ariane, Airbus et tous les programmes que j'évoquais, ce sont tous des programmes décidés en France à la fin des années 60, il y a plus de cinquante ans. C'est une volonté qui, à cette époque, s'est exprimée et qui se trouve aujourd'hui une volonté désarmée !

Eh bien je propose que nous reprenions le chantier là où il a été abandonné.

Dans tous les secteurs d'activité du pays, je veux une stratégie nationale pour les entreprises du pays qui naturellement demeureront libres, mais dont je propose qu'elles se mettent en réseau parce qu'aucune n'y survivra si toutes n'avancent pas en même temps. Ce n'est pas possible de continuer comme nous faisons.

Et vous voyez cet impératif-là, cette priorité numéro un, priorité absolue qui consiste à dire « nous allons de nouveau produire chez nous », voilà le défi que nous allons relever !

Il nous faudra deux, trois, quatre, cinq ans, mais nous allons relever le défi du "produire en France" et de la volonté d'avoir des entreprises et de la volonté d'avoir des emplois, et personne ne nous en découragera.

Et nous allons tenir bon parce qu'il y aura de nouveau une volonté nationale qui fera travailler les gens ensemble. Il y a des secteurs entiers que l'on peut reconquérir.

Savez-vous que, je n'ai pas l'obsession de ce qui se passe en Allemagne, ils reconquièrent en ce moment le textile dont on nous a expliqué qu'il était complètement parti, que c'était complètement fini. Eh bien dans le textile et dans la mode, ils ont reconquis près de 50 % dans ce que l'on appelle le sportswear, alors que nous, nous sommes pour l'instant trop désarmés.

Donc, dans tous les secteurs d'activité du pays, et nous allons faire quelque chose de plus qui est de proposer aux Français de soutenir par leur acte de consommation la production nationale.

Ce matin, le grand journal gratuit qui s'appelle « Métro » a fait une grande enquête pour proposer aux Français de juger les propositions des candidats différents sur la situation du pays.

Eh bien la mesure qui est arrivée en tête c'est celle que je propose depuis des mois, de mettre un label simple, lisible, compréhensible par tout le monde pour que le consommateur puisse savoir ce qu'il achète et, s'il a envie de soutenir le produire en France, qu'il puisse le faire en toute connaissance de cause. C'est la mesure numéro un qui a été proposée par « Métro ».

Et réfléchissons une seconde, c'est un très grand enjeu. Ce n'est pas seulement des emplois qu'il s'agit, et pourtant c'est un immense défi, mais c'est que chaque fois que l'on dépense 100 euros pour un produit en France, il y a 50 euros qui reviennent dans la poche du consommateur : parce que ces 50 euros-là financent les services publics, ces 50 euros-là, ce sont les charges sociales distribuées sur les salaires des entreprises, c'est la CSG payée sur les revenus des Français, c'est l'impôt sur les sociétés qui soutient les services publics, c'est la totalité des ressources liées pour un pays à l'enracinement de la production chez lui. Et donc si les Français se rendent compte qu'en réalité un acte d'achat de produit français leur revient pour plus de 50 %, alors ils vont voir l'immense gain qu'il y a à faire en soutenant la production nationale.

Peut-être quelques-uns d'entre vous ont assisté il y a trois semaines à une émission sur M6 qui s'appelle "Capital" et que j'ai faite, j'en étais très fier, autour du « produire en France ». Il y avait là le président de la compagnie de marqueurs et de stylos qui s'appelle Stabylo Boss (les surligneurs que vous utilisez pour faire croire que vous avez lu vos polycopiés ! pardon ... non ... excusez-moi, les surligneurs que l'on utilisait de mon temps pour faire croire qu'on avait lu les polycopiés ! Je signale que le professeur Albertini a éclaté de rire au premier rang, et pourtant, lui n'est pas soupçonnable de ne pas avoir étudié ses polycopiés. Donc c'est dire que c'était un rire de solidarité !). Donc ce monsieur disait : mais vous vous rendez compte, les Allemands, pour eux c'est très important qu'un produit ait été fabriqué sur leur sol, qu'il ait la qualité allemande"... Eh tiens, pardi ! C'est même si important que l'on fait de la publicité en France autour de la qualité allemande et de la publicité pour les voitures en allemand, de manière que l'on comprenne bien que c'est cette qualité-là que l'on veut vendre.

Eh bien je demande une seule chose, c'est que les Français fassent autant pour les produits français que les Allemands font pour les produits allemands. Je serais très content le jour où on pourra faire en Allemagne de la publicité pour la qualité française. Là, je considérerai que quelque chose a changé.

Une stratégie pour le pays, des objectifs clairs, des objectifs sur lesquels on se concentre. Produire, vous savez bien que c'est une obsession maintenant que nous allons devoir avoir pendant des années. Parce qu'autrement le modèle social français ne va pas résister plus de quelques mois à ce qui se prépare.

Aucun modèle social aussi construit que le nôtre, aussi généreux que le nôtre ne peut résister quand les ressources qui l'alimentent disparaissent. On est un pays -pardon de vous donner ces chiffres parce qu'ils sont un peu graves, importants- nous sommes un pays dont le modèle social et le service public dépensent 57 % de sa production nationale. Chez tous nos voisins, c'est au moins 10 points de moins. Ce n'est pas qu'ils soient des pays plus sauvages que nous ne sommes, en capacité d'éducation, d'université, d'hôpital, de santé, ils ont aussi tout cela.

 

Mais nous avons cette exigence, et j'admire une grande partie de cette exigence. Par exemple je suis très heureux que nous soyons un pays qui depuis plus de 100 ans a décidé que son éducation serait gratuite. Ce n'est pas le cas chez les autres ou chez beaucoup d'autres. L'éducation nationale obligatoire, laïque, publique et gratuite, c'est un progrès que la France a apporté à ses enfants. Mais tout cela, cela ne peut pas survivre s'il n'y a pas les ressources. Premier objectif.

Deuxième objectif absolument nécessaire : nous ne pouvons pas laisser l'éducation dans l'état où elle se trouve. Il n'est pas possible que nous acceptions en France, dans le pays qui a eu l'éducation la plus enviée au monde… Il y a quelques décennies à peine le monde entier venait étudier en France et cela durait depuis des siècles parce qu'il y a des siècles, l'Europe entière, c'est-à-dire le monde de l'époque, venait étudier à la Sorbonne. Nous avions donné au monde l'image d'un pays qui a construit l'éducation la plus rayonnante, la plus fière, la plus efficace qui existait dans les nations à cette époque-là. Ce temps hélas est bien loin, en quelques années, la France s'est effondrée dans tous les classements internationaux qui mesurent l'aptitude, la capacité des élèves.

Je vais dire des chiffres qui me font mal au cœur. J'ai quitté le ministère de l'éducation il y a quinze ans et, depuis cette époque, la France est aujourd'hui 24ème en compréhension de l'écrit, sur 35 pays du même niveau de développement dans le monde ; en calcul, sur ces 35 pays nous sommes 25ème ; et en inégalité scolaire nous sommes 34ème sur 35 !

Eh bien ce n'est pas digne de la France et il est impossible à un pays comme le nôtre de relever tous les défis de la recherche, de l'innovation, de la compréhension, de la science, si nous ne rebâtissons pas une Éducation nationale, une école primaire, un enseignement secondaire, un enseignement supérieur, une formation professionnelle du plus haut niveau mondial.

Alors je fixe un objectif, c'est que dans les cinq années, la France retrouve sa place parmi les dix premières nations du monde sur ces trois sujets : lecture et écriture, calcul, et lutte contre les inégalités scolaires.

Notre place est dans les dix premiers, autrement la France va décliner, et nous ne la laisserons pas décliner.

Alors, je vais vous dire ce qu'il faut faire, à mon avis. Oh bien sûr, il y a des moyens à garantir, je ne dis pas qu'il ne faille pas de moyens, mais je prétends que ce n'est pas en promettant abusivement 60 000 postes de plus, alors que l'on n'a pas le premier sou pour recruter, que l'on va restaurer la capacité de l'Éducation nationale française. Nous avons, malgré les moyens très importants, reculé au travers du temps.

Je dis deux choses qui sont pour moi absolument nécessaires : premièrement, il faut soutenir ceux qui font œuvre d'éducation. Je n'aime pas les campagnes, les insinuations qui tendent perpétuellement à laisser croire que les enseignants français ne travaillent pas, sont des feignants ou se dérobent devant leur devoir. Et j'aimerais beaucoup vraiment voir ceux qui formulent de telles critiques se trouver trois heures devant une classe de 4ème dans un collège normal, moyen, du pays qui est le nôtre aujourd'hui, j'aimerais voir dans quel état ils seraient à la fin de ces trois heures-là, et j'aimerais voir s'ils peuvent enseigner sans préparer les cours, sans corriger les copies, sans participer aux réunions parents-profs.

Bref, l'école a besoin de soutien et je serai là pour l'apporter aux enseignants au nom de la nation tout entière.

Mais en même temps, l'école a besoin d'exigence, et l'exigence première, c'est à l'école primaire qu'elle se construit.

Je vous dis les choses comme je le pense, il n'est aucun moyen de mettre un terme au scandale des 150 000 jeunes qui sortent tous les ans du système scolaire sans rien avoir entre les mains, si l'on ne prend pas une détermination absolue qui est qu'au moment d'entrer en 6ème tous les enfants doivent savoir lire, écrire, compter, connaître la langue française parce que la langue française dans sa connaissance, j'allais dire dans son amour, c'est la clef pour toutes les études ultérieures.

Les acquis fondamentaux doivent être acquis à l'école primaire et s'ils ne le sont pas, alors il faut une scolarisation particulière, avec des méthodes particulières et des moyens particuliers pour que l'enfant qui revient au collège maîtrise les bases sans lesquelles il est paumé et restera éternellement sur le bord de la route… On fera ce qu'on fait depuis des années, on fera monter les enfants de classe en classe… Mais ce n'est pas parce qu'ils montent de classe en classe qu'ils obtiennent le niveau qui leur permet de suivre ! Au contraire, comme ils n'ont pas, dans la classe, la reconnaissance qu'ils méritent, eh bien, assez souvent et la plupart du temps ils mettent le bazar dans la classe parce que s'ils sont déstabilisés, ils déstabiliseront.

Eh bien je dis que garantir les acquis au moment de l'école primaire, c'est le meilleur service que nous avons à rendre à l'école et c'est sur cela qu'il faut concentrer tous nos efforts.

Et c'est pourquoi je propose en même temps que l'on ne définisse plus les examens en fonction du pourcentage de reçus que l'on veut dans un pays, mais que l'on définisse les examens en fonction du niveau qui est nécessaire pour suivre dans la poursuite des études, et cela est vrai en particulier pour le baccalauréat.

Et vous voyez que je propose, c'est au sens propre, une révolution scolaire. Une révolution, vous savez ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l'on va prendre le chemin exactement contraire au chemin qui a été suivi jusque-là.

Le chemin qui a été suivi jusque-là, c'est la baisse perpétuelle du niveau d'exigence de l'école. Cela a été un mauvais service rendu au pays.

Je propose que l'on adopte la stratégie inverse : hausser le niveau d'exigence de l'école à la dimension de ce que la nation attend et que le monde exige de la France.

On ne veut pas moins, on veut plus, on veut plus haut, on veut plus fort, on veut mettre des connaissances. Et bien sûr cela veut dire qu'il va falloir donner aux enfants des méthodes qu'on ne leur donne pas assez souvent. Cela veut dire qu'avant d'entrer à l'université -avant qu’ils ne rejoignent la bande des fans qui sont là-bas au milieu de la salle…- avant cela il faut que l'on donne à chaque élève des méthodes de travail, qu'on lui apprenne à étudier même tout seul. Cela veut dire que dans la plupart des cas, il faut que les devoirs écrits soient faits en étude surveillée à l'école. J'en ai assez qu'il faille des sommes énormes pour payer des cours particuliers quelquefois au niveau du collège même dans les familles qui n'ont pas les moyens de le faire.

C'est l'Éducation nationale qui doit assumer sa responsabilité.

C'est parce que nous n'avons pas réussi à passer avec le monde éducatif le contrat de confiance et d'exigence qui lui permettra de hausser le niveau que nous nous trouvons dans la situation où nous nous trouvons aujourd'hui et qui est, souvenez-vous, non pas une situation seulement regrettable en termes de connaissance, mais en termes d'inégalité sociale parce que dès l'instant que la réussite à l'école se mesure à l'investissement que les familles peuvent faire en enseignements complémentaires et en cours particuliers, ne venez pas me parler de République, ne venez pas me parler d'égalité, ne venez pas me parler de la liberté que l'école doit donner aux enfants.

En défendant l'exigence de l'école, nous sommes les défenseurs de l'égalité sociale, nous sommes les défenseurs de la chance offerte à tout le monde.

En défendant des connaissances solides, par exemple je défendrai le fait que l'Histoire doit revenir dans les programmes en Terminale S, ce n'est pas normal qu'on l'en ait exclue. Et tant que l'on parle d'Histoire, je pense absolument nécessaire de remettre la chronologie dans les programmes d'Histoire, que l'on connaisse le temps, les dates, les siècles, de manière que les élèves s'y retrouvent, se retrouvent dans le temps comme la géographie doit leur permettre de se retrouver dans l'espace. Et le répéter tous les ans s'il le faut parce qu'autrement on entend ce que j'ai entendu trop souvent : Louis XIII c'est le XIIIème siècle, Louis XIV le XIVème siècle et Louis XV le XVème siècle ! Je vous assure que c’est vrai.

Vous voyez le calcul mental, la chronologie en Histoire, la Géographie, la langue française, la lecture, l'écriture, les méthodes de travail… mais c'est une révolution que nous devons conduire à l'école en garantissant les moyens qui existent aujourd'hui, mais en ne trompant pas le pays sur des dizaines de milliers de recrutements qui sont absolument impossibles à faire ! Je vous le démontrerai une autre fois…

Voilà pour l'éducation, voilà pour l'école, voilà pour le grand devoir de la nation.

Alors qui vous parle de chômage ? Qui vous parle du produire dans notre pays ? Qui vous parle de l'école ? Personne. Nous, nous le faisons.

 

Et je veux maintenant aborder devant vous un quatrième chapitre qui est pour moi tout aussi important. Il n'y a pas de redressement du pays s'il n'y a pas de confiance.

Or, depuis des années la confiance entre les citoyens et leurs élus a été massacrée, massacrée parce qu'il y a eu affaire sur affaire et à la radio encore ce soir on entend des développements nouveaux. Il y a eu affaire sur affaire, il y a eu des soupçons de financements mystérieux, il y a eu des pratiques, des mauvaises habitudes qui ont été prises et je prétends que rebâtir la confiance, cela doit se faire tout de suite parce que si l'effort pour produire en France prendra des années et s'il coûtera en investissements, et en investissement humain, si l'effort pour éduquer prendra des années et cela coûtera en investissements et en investissement humain, la moralisation de la vie politique en France, cela peut se faire en quelques jours, cela ne coûtera pas un euro et même, ça en rapportera beaucoup à la nation.

Alors je propose qu'on le fasse, et qu'on le fasse avec des décisions qui seront des décisions que tous les partis politiques et tous les responsables politiques sont venus défendre, la main sur le cœur, devant les objectifs des caméras de télévision en disant : « Voilà, nous, maintenant, nous avons compris, voilà ce que nous voulons faire… ».

Eh bien je vous propose que, alors qu’ils en parlent depuis des décennies, nous, nous le fassions en quelques semaines !

Je proposerai, quatre semaines après l'élection de la présidence de la République, le jour du premier tour des élections législatives, la tenue d'un référendum qui proposera aux Français d'adopter directement, c'est-à-dire sans avoir à se préoccuper de l'avis de ces partis politiques qui depuis des années ont repoussé dans le futur, la décision de règles qui permettraient à la vie politique française d'être ce qu'elle doit être.

Je vous propose qu'en une seule loi nous décidions, article 1, que le gouvernement ne peut pas comprendre plus de vingt membres parce que si on demande des efforts et des économies au pays, il faut faire des efforts et des économies « en haut ».

Le texte que je vous récite là est de Pierre Albertini, il l'a présenté hier à la presse, c'est la loi-cadre que nous soumettrons au référendum et, comme vous savez c'est un grand professeur de droit, vous pouvez être assurés que de ce point de vue-là les Rouennais auront mis leur marque sur l'avenir de la France.

Je proposerai, article 2, que l'on mette un terme définitif au cumul des mandats pour les députés et qu'on le limite pour les sénateurs.

Je proposerai que l'on réduise le nombre des députés à 400 et le nombre des sénateurs à 250, toujours pour la même raison d'exemplarité, mais aussi parce que nous avons besoin que les députés et les sénateurs, les parlementaires français, pèsent davantage qu'ils ne pèsent aujourd'hui. Aux États-Unis avec une population cinq fois plus importante que la nôtre, les députés et les sénateurs sont 20 ou 30 % moins nombreux que nous ne le sommes chez nous, mais quand ils parlent, on les entend. Ce n'est pas que ce soient de méchantes gens les députés, les sénateurs, ce sont des gens honorables, pour la plupart d'entre eux, mais ils s'aperçoivent très vite que leurs voix ne pèsent pas à l'Assemblée nationale et que, c'est très simple, ils votent qu'ils soient présents ou pas présents, et que ceux qui sont dans la majorité votent pour le gouvernement et ceux qui sont contre votent contre, qu'il n'y a plus de jugement personnel sur les textes qu'on leur soumet.

Je propose que l'on mette un terme à cette anomalie et je propose que plus un seul parlementaire ne puisse voter sans être présent dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Je propose en même temps que tous les votes soient publics, qu'il ne puisse plus y avoir de vote dissimulé, dire "on était là, on n'était pas là", que tous les votes soient publics. Et cette règle, qui paraît incroyable pour la France, ce n'est pas autre chose que la règle qui est appliquée au Parlement européen, chaque fois qu'il y a une session et toutes les semaines, vote personnel sans délégation possible et vote public pour que les citoyens puissent savoir ce que leurs élus ont fait.

Je propose que l'on fasse quelque chose que les Français demandent depuis longtemps et que je considère comme tout à fait juste et tout à fait fondé. Je propose que, dans la même loi, nous reconnaissions la validité du vote blanc. Parce qu'aller voter, même si c'est pour dire que les candidats qui se présentent ne vous conviennent pas, c'est un acte citoyen au moins aussi important que celui de voter par dépit pour quelqu'un que l'on n'a pas envie d'élire.

Et vous voyez la modernisation de la vie publique, vous voyez le changement de climat.

Et nous allons mettre un terme aussi à une autre faiblesse de la démocratie française. Je décrivais les votes automatiques à l'instant. Pourquoi est-ce qu'il y a vote automatique ? Parce qu'en France, avec la loi électorale qui est la nôtre, on ne peut pas être élu si l'on n'a pas la bénédiction du Président de la République en place ou du principal parti de l'opposition, comme vous le savez bien dans ce département. Ensemble, cela ne fait pas plus de 50 % des Français, mais les autres 50 % n'ont pas droit à être représentés sauf s'ils vont faire allégeance à l'un des deux partis principaux.

C'est pourquoi il faut changer la loi électorale et permettre que les grands courants d'opinion du pays soient représentés par leurs propres électeurs à l'Assemblée nationale, même ceux que je n'aime pas, pour que la tribune de l'Assemblée redevienne la voix libre du peuple de France.

Tous les courants importants d'opinion du pays qui dépasseront 5 % des voix pourront avoir des élus sans avoir besoin de la permission des puissants voisins. Ils n'auront pas à aller quémander les circonscriptions, ils les auront par libre volonté de ceux qui auront voté pour eux. Et ainsi on aura une expression libre de retour à l'Assemblée nationale. On en a le plus urgent besoin pour que la France retrouve le débat et les idées et les propositions, et je préfère affronter des courants que je n'aime pas à la tribune plutôt qu'ils cheminent souterrainement dans la société française.

On a besoin de débats, on a besoin de confrontation, on a besoin de mettre de la passion dans la vie publique. C'est parce qu'on a perdu tout cela que la politique en est en France, dans la démocratie française, où elle en est aujourd'hui.

Et je proposerai dans la même loi que nous consacrions enfin les deux indépendances dont nous avons besoin dans la séparation des pouvoirs : indépendance de la justice et indépendance des médias. Par exemple, je proposerai que soit enlevé au président de la République la prérogative qu'il s'est attribuée il y a cinq ans de nommer directement lui-même, de sa seule décision, les présidents des chaînes publiques de l'audiovisuel public, dont je prétends et je veux dire devant vous, qu'il n'appartient pas à l'Etat, qu'il n'appartient pas au pouvoir, qu'il vous appartient à vous qui payez la redevance qui le fait vivre, quelles que soient les opinions qui sont les vôtres. Et ceci est très lié à l'idée que j'évoquais des débats de l'obligation de service public que les citoyens ont droit de voir reconnaître de la part de leur audiovisuel.

Et de la même manière je consacrerai l'indépendance de la Justice. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, ne pourra pas être nommé sans qu'il y ait un vote de confiance qui obligera à l'accord entre les grandes sensibilités du pays de la majorité et de l'opposition. Ainsi, le pouvoir judiciaire ne sera plus soumis au pouvoir exécutif, mais il tiendra une part de sa légitimité du libre suffrage des Français. Il devra répondre ainsi de la politique de justice et de sécurité devant toute la nation, et pas seulement devant la majorité du gouvernement et du président de la République.

 

Reconstruire la confiance. Je vous avais dit que je finirai sur cette idée, en particulier entre les citoyens français et l'Europe.

Je veux m'arrêter un instant à ce très important sujet. Je vous le dis de toutes mes fibres, il est impossible de reconstruire l'avenir de la France si l'Europe était mise en défaut. C'est impossible. Regardez, nous venons d'avoir un bras de fer avec la Chine sur un problème écologique très important qui est la limitation des gaz polluants à effet de serre des moteurs d'avion, en demandant à chacun de baisser l'émission de gaz à effet de serre qui entraînent le réchauffement de la planète… dont nous avons ce soir, dans cette salle, un assez bon exemple ! Et donc, trêve de plaisanterie, c'est un très grand sujet. Tout le monde sait qu'il y a des bouleversements qui sont en cours, du côté du réchauffement climatique, qui menacent notre vie, une partie de l'espèce humaine, qui font que par exemple des sécheresses deviennent de plus en plus importantes. Donc il a été décidé que l'on demanderait un effort aux compagnies aériennes pour baisser l'émission de gaz à effets de serre par les moteurs d'avion.

La Chine a entamé un bras de fer. Si c'était la France toute seule qui avait proposé une règle de cet ordre, le bras de fer aurait été perdu en quelques heures. Il y a dans le monde d'aujourd'hui la nécessité de regrouper nos nations pour qu’elles fassent un ensemble dont la voix puisse être entendue dans le monde.

Le reproche que l'on doit faire à l'Europe, ce n'est pas d'avoir été trop existante, trop vivante, trop forte, c'est de ne pas avoir défendu nos intérêts face à la Chine par exemple, en disant : écoutez, excusez-nous, mais vous n'avez pas le droit de vous servir de votre monnaie pour faire aux produits européens une concurrence abusive.

Nous avons le droit de vous demander de respecter les règles de loyauté. Nous avons le droit de demander la réciprocité des règles.

Par exemple, quand on interdit aux agriculteurs ou aux maraîchers ou aux producteurs de fruits installés sur le sol européen, et particulièrement en France, d'utiliser un certain nombre de molécules, de pesticides et d'insecticides parce qu'on les sent dangereux pour les organismes vivants, alors il faut en même temps s'assurer que les produits qui entrent chez nous respectent les mêmes règles et évitent aussi d'utiliser ces molécules de pesticides et d'insecticides parce que, autrement, il n'y a pas loyauté des échanges, et c'est une absurdité puisqu'il s'agit de la santé humaine. Elle est menacée également par l'utilisation de molécules sur notre sol et par l'utilisation de molécules sur les produits qui entrent sur notre sol. Et c'est pourquoi je dis : si l'on veut respecter ces règles-là, il faut exercer la même pression et les mêmes sanctions contre les producteurs qui ne les respecteraient pas et contre les importateurs qui ne respecteraient pas les règles qui sont imposées aux producteurs européens.

Et nous voyons bien que désormais nous, tous les pays européens, nous sommes devenus dépendants les uns des autres. S'il y a une crise sociale en Italie, elle aura des répercussions en France. La dette de la Grèce, elle a impliqué les autres pays européens, autrement tout le système bancaire se serait effondré.

Nous sommes désormais interdépendants. Et donc il va falloir que des politiques nouvelles, des règles nouvelles se mettent en place pour être sûrs que les autres ne font pas des bêtises qui vont mettre en difficulté la plupart des pays qui les entourent.

Et quand je dis que les autres ne fassent pas de bêtises, je pourrais faire une liste dans laquelle la France serait elle aussi assez bien placée. Car, il est de notre responsabilité, nous Français, sous les deux quinquennats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, d'avoir refusé que ces règles soient respectées !

Nous faisons des procès aujourd'hui, nous pointons du doigt un certain nombre de gens. C'est nous, la France, qui avons exigé que les règles qui avaient été arrêtées, vous vous souvenez, les fameux 3 % de Maastricht, dont j'ai toujours pensé d'ailleurs qu'ils étaient trop laxistes.

Et c'est pourquoi j'ai toujours défendu une règle simple qui est : vous avez le droit d'emprunter si c'est pour mettre en place des équipements qui serviront aux générations futures parce que c'est normal que vous en partagiez la charge avec eux. Vous avez le droit d'emprunter pour construire des universités, vous avez le droit d'emprunter pour construire des laboratoires de recherche, vous avez le droit d'emprunter pour construire des hôpitaux, tout cela c'est normal de le partager avec les générations qui viennent. Mais vous ne devriez pas avoir le droit d'emprunter pour payer les fonctionnaires, les retraites ou les feuilles de Sécurité sociale ! Cela, c'est le boulot de chaque génération !

C'est ce que l'on appelle, je l'ai proposée il y a dix ans, la règle d'or que maintenant tous les pays européens ont décidé d'appliquer ensemble, ce qui, après tout, est pour moi une satisfaction parce que je pense toujours qu'en matière de vision, il vaut mieux être en avance qu'en retard.

Et nous qui avons été plus souvent en avance, qui avons dit les choses avant qu’elles ne se produisent, qui avons vu juste quand tous les autres se trompaient, nous avons le droit au moins de considérer que se tromper, ce n'est pas une recommandation pour se représenter au suffrage des citoyens !...

Alors que faut-il faire en Europe ? Que faut-il faire pour que l'Europe retrouve cette fierté, cette adhésion des citoyens, j'allais presque dire cette « affection » des citoyens, à laquelle beaucoup d'entre nous croyons et à laquelle beaucoup d'entre nous ont consacré leur vie ?

Vous avez peut-être vu hier ou avant-hier, il y a eu une intervention de Jacques Delors extrêmement sévère pour la manière dont on avait, au fond, abandonné l'idéal européen ces dernières années ?

Je propose une marche à suivre.

Qu'est-ce qui ne va pas en Europe ? La première chose qui ne va pas, c'est que plus un citoyen, même de bonne volonté, même informé, n'y comprend plus rien. La manière dont on a bâti le labyrinthe des institutions européennes avec des présidences dans tous les coins, avec des hauts-commissaires à ceci et à cela, fait que plus aucun citoyen, même averti, ne sait comment se prennent les décisions en Europe, comment elles sont préparées, quel est l'agenda des décisions européenne ni qui va prendre les décisions.

Ceci est directement contraire à l'impératif de démocratie que l'Europe doit représenter pour les citoyens comme les nôtres. Par exemple, le fait que l'on ait choisi de mettre à la tête de ces institutions européennes que 99 % d'entre vous -en dehors de ceux qui font des diplômes de droit européen et que je vois s'exprimer- que l'on ait choisi de mettre à la tête de ces présidences sans contour des personnalités dont aucun d'entre nous ne connaît ni le nom ni le visage ni les idées ni le programme qu'elles se fixent, ceci est une atteinte directe à la confiance qui doit unir des citoyens aux institutions qui prennent des décisions en leur nom.

Il n'est pas possible que nous ayons, en prolongement de notre démocratie française, une démocratie européenne dont la démocratie soit absente en dehors du parlement européen. Ce n'est pas possible. La démocratie cela commence par des choses toutes simples : quand on connaît les dirigeants, quand on connaît leur visage, quand on sait ce qu'ils pensent et quand on peut leur demander des comptes sur les décisions qu'ils prennent. Cela c'est le rapport qui doit unir les responsables avec les citoyens.

Et c'est pourquoi je propose deux décisions simples, au lieu d'une multitude de présidents, donnons à l'Europe un seul président qui présidera à la fois le Conseil des chefs d'États et de gouvernements et la Commission de Bruxelles. Une seule personne, une seule responsabilité connue et identifiée par les citoyens.

Et pour être assuré que les citoyens pourront leur demander des comptes, je propose que ce président-là soit élu au suffrage universel des Européens, par exemple le jour de l'élection du Parlement européen. Que l'on sache qui il est ou qui elle est, et que l'on puisse même manifester sous ses fenêtres lorsque les décisions qu'ils prendront ne vous conviendront pas.

J'ajoute une troisième chose : obligation pour les institutions européennes de rendre publiques plusieurs mois à l'avance les décisions qu'elles préparent, qu'on sache sur quel sujet et dans quelle direction ces décisions vont être prises, pour que les citoyens et leurs associations puissent s'impliquer dans la préparation de ces décisions.

Et vous voyez que là encore c'est une révolution dans la conception des institutions européennes. Au lieu d'être opaques, décidées uniquement entre initiés, ou décidées uniquement dans les instances bruxelloises dont personne ne sait rien, même pas la radio et la télévision qui ne font plus une seule émission sur ce qui se passe en Europe, au lieu d'avoir une Europe mystérieuse, anonyme et opaque, je propose une Europe qui ait des pouvoirs, qui se fixe des règles notamment de réciprocité, qui soit démocratisée par la connaissance des élus et légitimée par le vote des citoyens. Voilà l'Europe que nous voulons et c'est une direction entièrement nouvelle que je propose à notre pays.

 

Permettez-moi de vous dire que dans les cinq chapitres que je viens de traiter devant vous :
- produire chez nous, produire dans notre pays pour retrouver les emplois et les ressources.
- sortir la France du surendettement où elle s'enlise, où elle perd son indépendance et l'activité de ses jeunes,
- reconstruire l'éducation nationale,
- moraliser la vie publique,
- bâtir l'Europe nouvelle dont la France a besoin,
nous allons, en ces cinq chapitres, concentrer nos efforts sur le redressement nécessaire du pays.

Et nous avons, avec ces cinq chapitres pris ensemble, une détermination qui est que nous allons réconcilier la France avec le mot qui est sans doute le plus précieux, le mot qui s'était effacé depuis longtemps : nous allons réconcilier la France avec l'espoir de son avenir !

Je vous remercie.

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