"Je défends une loi de programmation qui rendra effectif le droit pour chacun au logement"

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François Bayrou a exposé ses propositions en matière de logement, d'urbanisme et d'architecture au magazine L'architecture d'aujourd'hui, dans le cadre d'une consultation des candidats à la présidence de la République.

AA. Face à l’expansion des zones urbaines, qui repousse les habitants/travailleurs vers les périphéries, aggrave les problèmes de transport, détruit les terres agricoles ou naturelles, quelles sont vos trois priorités ? Et pourquoi pensez-vous qu’elles vont être de nature à résoudre le problème ?

François Bayrou - En termes d’étalement urbain, les chiffres sont en effet inquiétants. On estime que c’est l’équivalent d’un département français tous les sept ans qui est pris sur les espaces naturels ou des terres agricoles. Ce rythme n’est évidemment pas tenable, et j’ai pris l’engagement de mener une politique de maîtrise de ce grignotage de sorte que l’imperméabilisation des sols soit contenue à terme à 10 % du territoire. Les outils d’aménagement du territoire et la fiscalité foncière doivent être plus volontaires pour favoriser la densification urbaine au détriment de l’étalement. Nombre de friches ou de bâtis existants devraient être privilégiés dans les nouveaux projets. L’avenir de notre tissu urbain repose évidemment sur le rapprochement entre le domicile, le lieu de travail et le lieu de commerce. Le zonage, qui a été la règle dans notre urbanisme, doit cesser. Cette idée d’optimisation des zones déjà urbanisées facilitera toutes les logiques de développement des mobilités douces et collectives, et donc la décongestion des circulations routières des plus grandes agglomérations. Je souhaite également favoriser tous les avantages que nous aurions à tirer des nouvelles technologies de communication pour réduire les besoins de déplacements.

AA. Et face à l’insuffisance de production de logements, et notamment de logements sociaux ?

FB - Il manque un million de logements. C’est un chiffre important qui dit clairement que plusieurs millions de personnes sont concernées. Y remédier, c’est faire jouer plusieurs leviers à la fois. Je souhaite mettre en place une mutuelle initiée par l’État, garantissant aux propriétaires le risque d’impayés et supprimant les cautions, pour faire revenir sur le marché les 500.000 logements vacants. Dans les zones de grande tension, je nommerai des préfets en charge de la « cohésion sociale et du logement », afin de soutenir l’action des élus. Il devra identifier les points de blocage, ville par ville. Avec une ligne claire : mettre le maximum de terrains à disposition pour la réalisation de programmes locatifs sociaux et très sociaux, et des logements en accession sociale, sous condition de mixité. Ces terrains seront cédés à un prix inférieur au prix du marché, dans le cadre d’un contrat imposant, pour les logements sociaux, des prix ou des loyers réellement accessibles. Je définirai qui plus est un objectif renforcé d’obligation de 25 % de logements sociaux dans les zones en tension. Il faut ensuite construire davantage. Élu, ma première décision sera de convoquer une conférence nationale du logement qui définira des objectifs nationaux de construction, déclinés par région, avec des aides à la pierre décentralisées et l’expérimentation d’une gestion décentralisée des aides à la personne. Tout sera mis sur la table : les normes, la mixité, le contrôle de la loi SRU, l’habitat indigne, la mise sur le marché ou à disposition de nouveaux terrains à bâtir, l’aménagement du territoire. Sur cette base, une loi de programmation sur cinq ans sera votée, pour rendre effectif le droit pour chacun de se loger.

AA. En dépit d’efforts constants, depuis plus de vingt ans, mais à un rythme trop lent, la rénovation des grands ensembles est loin d’être achevée et laisse se paupériser les quartiers sensibles, mal desservis, sous-équipés et sans mixité sociale. Quelles sont vos trois priorités ?

FB - C’est une guerre qu’il faut mener au plus près du terrain, en redonnant confiance à tous ceux qui habitent dans ces territoires. Avec, en haut, l’obligation absolue pour l’État de montrer l’exemple, en réinvestissant massivement dans des zones qu’il a trop longtemps abandonnées. Dans les quartiers sensibles, le logement devrait être organisé aussi souvent que possible en petits ensembles de trois ou quatre logements. Mais la présence publique a aussi un rôle à jouer. Il faut réimplanter tous les services publics dans les quartiers les plus désavantagés. Il faut une répartition des fonctionnaires sur le territoire qui inverse les critères actuels. C’est-à-dire inciter les plus expérimentés à travailler là où l’on a le plus besoin d’eux, souvent en banlieue difficile. L’État doit tout faire pour favoriser l’emploi dans les quartiers sensibles. Les petites entreprises doivent à la fois avoir envie et intérêt à s’implanter en banlieue. Je mettrai donc en place une politique qui permette de multiplier les offres de microcrédit. Comme vous le savez, je propose déjà à toute entreprise de moins de 50 salariés, sur l’ensemble du territoire, la possibilité de créer un nouvel emploi sans charges pendant deux ans, pourvu qu’il s’agisse d’un CDI proposé à un jeune, dont ce serait le premier emploi, ou à un chômeur. J’ai la conviction que cette mesure trouvera toute sa justification, toute son efficacité en banlieue.

AA. Les chefs d’États sont souvent bâtisseurs, très peu sont urbanistes. Quels sont vos projets ?

FB - Pour moi, l’architecture et l’urbanisme font un, les dissocier, c’est prendre le risque de rater l’un et l’autre. Il suffit de regarder dans le passé proche : la pauvreté architecturale a donné des ghettos, l’urbanisme mal conçu a donné le mal de vivre. Ma priorité est donc toute simple : il faut mettre l’accent sur la place du beau dans la société. Et le faire dès l’école. Car le beau n’est pas un luxe, c’est quelque chose de l’ordre des valeurs.

AA. Effritement des moyens pour la formation des architectes, suppression de la recherche en architecture, carcan réglementaire limitant le rayonnement de la pratique, rôle étriqué de l’architecte. Toute la chaîne de la profession, honorée en apparence, est bien délaissée dans la pratique. Comment comptez-vous inverser la tendance ?

FB - J’ai envie de reprendre à mon compte l’expression « droit à l’architecture », que les architectes revendiquent de longue date. Un droit pour tous de vivre, de travailler dans des espaces pensés, cohérents, coordonnés par tous les acteurs de l’urbain, pas simplement les aménageurs, et encore moins les aménageurs contre les architectes. De ce point de vue, je regrette que l’enseignement de la construction et de l’aménagement du territoire ne comprenne pas assez de pistes, de passerelles, ouvrant sur les horizons de l’architecture et de l’urbanisme. Ceci veut dire également que je suis résolument contre la tendance actuelle qui réduit le recours à l’architecte. C’est contraire à l’esprit de la loi de 1977, qui a consacré l’architecture d’intérêt public, garantie par l’architecte. Je pense d’ailleurs que si ce recul inquiète les architectes, il est plus grave encore pour nos concitoyens, susceptibles de vivre ou de travailler dans des bâtiments de qualité médiocre, voire dangereux. Simplifier toujours et encore,   c’est parfois la plus belle des fausses - bonnes idées !

AA. Les projets PPP (partenariat public-privé) asservissent les architectes à des objectifs financiers. L’architecture y devient un critère de choix secondaire. De grands projets publics sont ainsi architecturalement amoindris. Pensez-vous que l’architecture est le premier critère pour construire un bâtiment dans un programme donné et dans un prix juste ? Pensez-vous que sacrifier la qualité architecturale en réduisant la concurrence à quelques grands groupes de construction est une politique humaniste et démocratique ?

FB - L’architecture ne peut pas être qu’affaire de grands groupes. C’est nier ce qu’est l’architecte, un créateur d’abord indépendant et libre. C’est nier aussi la part éminente d’art contenue, ou qui devrait l’être, dans le geste architectural qui n’est pas que de la technique et de l’ingénierie. Alors oui, je pense que l’architecture doit être le premier critère pour construire. Et je pense que les partenariats public-privé doivent retrouver un équilibre, semble-t-il un peu perdu de vue. Quand on dit partenariat, il y a pour moi l’idée que le partenaire public doit être du côté de l’architecte, avec le souci de ne pas sacrifier le beau sur l’hôtel des économies à tous crins.

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