François Bayrou, invité de Radio J ce dimanche

François Bayrou était l'invité de Frédéric Haziza sur Radio J ce dimanche 14 avril.

Seul le prononcé fait foi.

Frédéric Haziza : Bonjour à tous et bienvenue au forum Radio J dont vous êtes l'invité, François Bayrou, bonjour.

François Bayrou : Bonjour.

Frédéric Haziza : Alors à 2 mois des élections européennes, Jordan Bardella fait la course en tête selon les sondages, jusqu'à 16 points d'avance sur la liste de la majorité présidentielle conduite par Valérie Hayer. Est-ce à dire que tout est déjà joué ? Est-ce que désormais seul Emmanuel Macron peut limiter la casse ? Sur quoi en tout cas va se jouer la campagne sur les thématiques européennes, sur les dossiers franco-français ou sur les enjeux internationaux ? Et justement pour commencer, François Bayrou, que vous inspire cette attaque massive de missiles et de drones de l'Iran contre Israël, le monde doit-il se montrer solidaire d'Israël ?

François Bayrou : C'est une attaque préparée, réfléchie, dont apparemment tous les services de sécurité et de renseignement, en tout cas américains et européens, avaient annoncé la probabilité. Et c'est une attaque qui est une atteinte de plus à un équilibre déjà si fragile. Ce qu'on ne mesure pas bien, c'est parce qu’un événement chasse l'autre, c'est ce qu'a été la genèse des événements du 7 octobre.

Frédéric Haziza : Avant de parler de la genèse des événements du 7 octobre, il y a une petite musique, aujourd'hui depuis la fin de la nuit, autour de la retenue de l'Iran dans la mesure où il n’y a pas eu de victimes en Israël. Qu'est-ce que vous en pensez ?

François Bayrou : C'est possible. J'imagine que tout ça est préparé.

Frédéric Haziza : 350 missiles et drones, c'est une retenue ?

François Bayrou : Tout ça est préparé de très longues mains. Et vous voyez bien qu’il y a à la fois la volonté de porter des coups qui soit spectaculaires et probablement aussi l'idée que on ne va pas franchir l'ultime barrière.

Frédéric Haziza : La question aujourd'hui, c'est est-ce qu’Israël peut rester sans répondre à l'attaque de l'Iran ? L'Iran qui depuis des années clame sa volonté de détruire Israël. Est-ce qu’on n'aurait pas franchi cette nuit une étape, une nouvelle étape dans le cadre de ce projet mortifère des mollahs de l’Iran ?

François Bayrou : C'est sûr que c'est une nouvelle étape. Vous ne m’avez pas laissé analyser ce qu’il s'était passé le 7 octobre. 7 octobre, c'est un événement très important, très réfléchi et dont le but n'a jamais été réellement élucidé. Parce que l'attaque du Hamas, c'est évidemment une attaque téléguidée, choisie par l'Iran. Je crois que c'est le principal acteur, avec un but extrêmement précis et un moyen extrêmement précis. Le but précis, c'est, c’était de mettre à mon avis un terme…

Frédéric Haziza : aux accords d'Abraham ?

François Bayrou : …au processus en construction de paix qui réunissait des pays comme l'Arabie saoudite et le Maroc autour de ce qu'on a appelé les accords d'Abraham, c’est-à-dire à la fois ce qu'il y a de commun dans l'histoire juive et dans l'histoire musulmane, d'ailleurs, dans l'histoire chrétienne aussi, les accords d'Abraham, c’est-à-dire une tentative de pacification de long terme entre Israël et ses voisins ennemis, ou anciennement ennemis.

Frédéric Haziza : Le début d'un plan global de résolution du conflit israélo-palestinien ?

François Bayrou : Et ceci était le but à atteindre. Le but, c'était de mettre par terre cet effort difficile pour la paix, de le renverser. Et le moyen qu’on n’a pas assez analysé, c'était de créer un sentiment d'horreur qui rendrait à jamais impossible une réconciliation. Et c'est pourquoi les événements du 7 octobre, ce qui s'est passé, cette attaque a été tellement barbare. Je crois que la barbarie n'était pas qu’une conséquence collatérale. Je crois que la barbarie était le moyen choisi pour que de l'irrémédiable soit créé et que plus jamais on ne puisse plus s'asseoir autour d'une même table.

Frédéric Haziza : Bernard-Henri Levy qui dit « un moment de bascule dans l'histoire ».

François Bayrou : C'est un moment de bascule et c'est un moment de bascule pour l'histoire de la région. Et c'est peut-être même beaucoup plus large que cela. Parce qu'il ne faut pas oublier que, en même temps, l'Iran est le principal fournisseur de la Russie de Poutine pour ces drones qui sans cesse attaquent et viennent ruiner, et notamment les centrales énergétiques d'Ukraine.

Frédéric Haziza : C’est intéressant, parce que les drones qui ont été envoyés pour attaquer Israël cette nuit, ce sont les mêmes qui attaquent l'Ukraine.

François Bayrou : Les mêmes. Et donc si on ne voit pas ça, et c’est pourquoi je suis, ce n’est pas toujours le cas, d'accord avec Bernard-Henri Lévy, c'est un moment de bascule dans l'histoire parce que ce moment de bascule a commencé lorsque Poutine a lancé ses troupes surarmées sur l'Ukraine. Et quelle est la signification de ce moment de bascule ?

Frédéric Haziza : Il a 2 ans et quelques mois.

François Bayrou : Quelle est la signification de ce moment de bascule ? Il est très simple, nous sommes de nouveau entrés dans le temps de la violence comme arme politique, dans le temps de la violence cynique, dans le temps de la violence sans mesure pour les objectifs politiques.

Frédéric Haziza : Avant même la guerre froide.

François Bayrou : Et donc, vous savez, cette phrase qu'on disait souvent : la guerre, c'est la continuation de la diplomatie par un autre moyen. Et réciproquement, la diplomatie, c'est quelquefois la continuation de la guerre par un autre moyen. C'est dans ce temps-là que nous sommes entrés, et c'est ça la réponse à la question que vous posez. Si réellement nous sommes entrés tous azimuts dans le temps de la violence et de la volonté de soumettre ceux qui ne sont pas d'accord avec vous, c'est une volonté impérialiste en même temps, parce qu'il y a derrière à la fois la volonté de contrôler, il y a en même temps une idéologie, chacun son modèle pour l'imposer aux autres, pour certains le modèle religieux, pour d'autres le modèle économique, pour d'autres le modèle de société. Et donc si nous sommes entrés dans ce temps-là, quel sourd et aveugle peut soutenir l'idée qu'on peut se débrouiller tout seul, nous, la France, avec nos 67 millions d'habitants ?

Frédéric Haziza : Tout est mondialisé.

François Bayrou : Tout est mondialisé et tout est démesuré par les moyens utilisés. Et donc cette époque, ce temps-là, tous ceux qui sont de près ou de loin, ou bien les complices actifs, ou bien les résignés à ce temps de la violence, tous ceux qui acceptent que les rapports de force, y compris militaire, par la violence, régissent à nouveau le monde. Ceux-là sont des complices actifs du risque maximal, du risque le plus total que nous sommes en train de vivre. Et c'est vrai au Moyen-Orient et c'est vrai chez nous y compris.

Frédéric Haziza : Et on reparlera de la France après. Il y a des complices en France de ce processus, de ces régimes ?

François Bayrou : Mais y a des complices en France de ces régimes, tout le monde le sait, tout le monde le voit. Il suffit de reprendre les déclarations. Vous le savez bien, y a des gens qui qui se réjouissent ouvertement de ce que pourrait être une victoire de Poutine et il y a des gens qui se réjouissent ou qui refusent de voir dans quel drame on est entrés et refuse d'indiquer qui sont les responsables de ces drames-là.

Frédéric Haziza : L'Iran. Et après on passe à un autre sujet. L'Iran, selon les experts internationaux, les services secrets occidentaux, est en mesure de disposer d'ici peu, d'ici quelques mois, de l'arme nucléaire. Est-ce que dans ce contexte le monde peut laisser le régime de Téhéran aller au bout de son projet nucléaire ?

François Bayrou : Je pense que nombreux dans le monde sont ceux qui ont une stratégie pour l'empêcher.

Frédéric Haziza : L'empêcher militairement ? Est-ce qu'il y a d'autres solutions ?

François Bayrou : J'imagine qu'il y a d'autres solutions. Comme vous savez, dans le monde du numérique et dans le monde des matières premières les plus sensibles, il y a d'autres solutions. Mais je pense que les pays les plus responsables regardent ce que sont les risques et parmi les pays les plus responsables, il y a la France. Nous sommes un des 5 membres permanents du Conseil de sécurité.

Frédéric Haziza : Le rôle de la France, qu’est-ce qu’il doit être maintenant ?

François Bayrou : Mais vous avez vu cette nuit, il y a eu un communiqué publié ce matin disant que la France avait participé à la contre action contre les missiles et les drones. Et c'est bien, c'est un point important et c'est bien que nous soyons actifs et reconnus comme tels. Parce que reconnus comme tel, ça veut dire la double capacité : la capacité politique et la capacité technologique.

Frédéric Haziza : C'est bien que nous soyons comme tel et que la France le dise, l’affirme et l'assume ? Et d'ailleurs il y a aussi autre chose, on a eu aussi des pays arabes, notamment la Jordanie, qui ont participé à cette action contre cette offensive iranienne visant Israël. C'est aussi important.

François Bayrou : Mais c'est parce que on ne se rend pas compte vu de notre fenêtre occidentale et française, on ne se rend pas compte de la menace interne au monde arabo-musulman, comme on dit. Les déstabilisations internes, tout ce qui est en train de se jouer. Vous avez vu que par exemple, il y a à la fois des complices de Moscou et il y a des forces terroristes qui ont porté le fer, qui ont créé un attentat à Moscou. Le monde est d'une complexité comme il n'a jamais été. Mais il est d'une violence comme il n'a jamais été. Le risque de faire de la violence la loi universelle, risque qui avait pour ainsi dire disparu ou s'était atténué depuis la guerre et depuis la chute du mur de Berlin. Cette violence-là, aveugle, elle est une menace universelle. Elle n’est pas une menace pour ceux qui sont ciblés seulement, elle est une menace aussi pour ceux qui sont proches ou complices ou voisins des attaquants, des assaillants.

Frédéric Haziza : Le 7 octobre, l'Iran, à travers le Hamas, a voulu stopper le processus d'Abraham. Mais une question qui se pose, comment on peut envisager l'après-guerre de Gaza, peut-être l'après attaque de l'Iran contre Israël, la paix est-elle toujours possible ? Elle est de toute façon nécessaire. Et quelle paix ? Je parle de la paix israélo-palestinienne.

François Bayrou : Si vous me permettez de le dire, je crois qu'il y avait dans cette attaque du 7 octobre un double piège. Le premier, c'était pour mettre à bas les accords d'Abraham, qu'il n'y ait plus de processus de paix qu’on ne puisse plus se parler autour de la table. Mais il y a un 2ème piège qui était qu’Israël, comment dire, libère la totalité de la dureté et de la violence dont il pouvait être capable, notamment à l'égard des civils.

Frédéric Haziza : Vous constatez c'est pour ça vous dites ça ?

François Bayrou : Oui, je pense que les destructions si larges et si totales à Gaza, les famines éventuelles, les drames qui vont avec, sont aussi un piège pour Israël. Je crois que, alors moi je ne donne pas de leçon à Israël parce que quand vous êtes la cible d'attaques qui veulent que vous disparaissiez de la surface de la planète, bien sûr qu'il faut se défendre.

Frédéric Haziza : Oui, parce que vous vous dites, vous êtes un homme politique de premier plan, un homme d'État, vous dites : si j'avais été président de la République aujourd'hui, comment j'aurais réagi si la France avait été la cible de telles attaques ?

François Bayrou : Avec la dureté nécessaire et en même temps en considérant que toute victime civile est une arme pour le Hamas.

Frédéric Haziza :  Guerre en Ukraine, guerre au Gaza, attaques iraniennes contre Israël, la paix du monde est-elle menacée ? C'est un peu ce que vous avez dit. Pouvons-nous être à la veille d'une 3e guerre mondiale ?

François Bayrou : Elle peut prendre beaucoup de formes, la guerre mondiale, parce que nous n'avons parlé jusqu'à maintenant que de la violence militaire, armée. Il y a d'autres violences, il y a de la violence économique…

Frédéric Haziza : Sociale ?

François Bayrou : Si vous regardez ce que la Chine conduit comme politique et notamment comme politique commerciale. Alors vous voyez qu'il y a là aussi une tentative de prise de contrôle, de soumission, d'hyperpuissance, appelez ça comme vous voulez, d'impérialisme appelez ça comme on veut. Et puis c'est le cas aussi par les États-Unis. Alors je ne mets pas dans le même sac les uns et les autres. Mais les États-Unis ont une politique extrêmement pensée, extrêmement puissante et extrêmement efficace de prise de contrôle technologique, économique, industrielle, de tout ce qui est sensible pour l'avenir de la planète. Et nous sommes très souvent face à la Chine et face aux États-Unis, nous, Européens, nous sommes désarmés.

Frédéric Haziza : Je sens que vous voulez parler des européennes, des élections européennes, de l'avenir de l'Europe…

François Bayrou : Non, Frédéric Haziza, écoutez-moi bien. Il n'y a qu'un seul sujet. Vous, vous croyez qu'on peut en faire des chapitres en les séparant. Il n'y a qu'un seul sujet. Le monde dans lequel nous sommes entrés est plus dangereux et plus violent qu'aucun de ceux que nous avons connus, vous et moi, dans notre histoire et les générations depuis la guerre. Plus dangereux et plus violent. La situation est plus grave et plus préoccupante qu'elle ne l'a jamais été. Et dans cette situation-là, nous avons le choix entre conduire une politique construite et volontaire pour retrouver une part de la souveraineté qui nous est due, que nous nous devons à nous-mêmes. Ou bien laisser faire. Tous ceux qui proposent de laisser faire, tous ceux qui disent « l'Europe il y en a ras-le-bol, franchement ».

Frédéric Haziza : C'est un mal ?

François Bayrou : Oui, il y en a qui pensent qu'il faut en sortir. C'est d'ailleurs frappant de voir le nombre de ceux qui voulaient en sortir il y a quelques années et qui n'en veulent plus ou qui prétendent vouloir en sortir. Aujourd'hui, on voit tout ça. Dans ce monde dangereux là, si nous voulons retrouver une part de contrôle sur nous-mêmes, si nous voulons retrouver une part de la capacité à construire notre avenir en étant libre dans des sociétés fragiles, qui ne font plus d'enfants, qui n'ont pas de démographie, qui doutent d'elles-mêmes, qui ont des modèles culturels qui sont extraordinairement fragiles, dans ce monde-là, nous n'avons qu'une possibilité, qu'un chemin possible. C'est regrouper les pays et les sociétés, les nations et les sociétés qui sont proches et qui se ressemblent et qui s'acceptent…

Frédéric Haziza : Les peuples ?

François Bayrou : …et qui s'aiment bien. C'est pour ça que je dis les sociétés, les gens, les peuples qui ont des cultures proches, pas les mêmes, chacun devant être garanti dans sa propre culture. Mais vous voyez bien que ce sont des cultures parentes, cousines, voisines, amies. Et ces sociétés-là, elles doivent se regrouper pour résister, elles doivent se regrouper pour se protéger.

Frédéric Haziza : On va parler de ça, mais une ou deux questions sur le lien entre ce qui se passe au Proche-Orient et la France. La guerre d'Israël contre le Hamas le 7 octobre a eu des conséquences en France, avec une explosion de l'antisémitisme véhiculé par la gauche, de la gauche, par LFI, sous couvert d'antisionisme. Qu'est-ce que ça vous inspire ? Et puis la liste LFI, Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon et ses élus LFI ont décidé de faire de la Palestine le thème central de leur campagne européenne, un peu comme avait fait Dieudonné et Soral en 2004 et 2009. Est-ce que c'est un choix judicieux où est-ce que c'est un choix dangereux ? Et est-ce que vous participez à cette analyse qui dit, qui explique qu’il y a des relents antisémites dans la stratégie de Jean-Luc Mélenchon.

François Bayrou : C'est une stratégie électorale ou… révolutionnaire, on va dire transparente. Pourquoi ? Parce que ça part de l'idée que pour faire une révolution il faut un lumpenprolétariat, prolétariat et même un lumpenprolétariat. Qu’en France, en raison de l'immigration récente, ce lumpenprolétariat et ce malaise, il est principalement musulman et donc il faut épouser les thèses les plus mobilisatrices ou les plus enflammées pour mobiliser cet électorat-là. Je crois que c'est une erreur. Profonde erreur.

Frédéric Haziza : Une erreur ou une faute ?

François Bayrou : Erreur, faute, tout ça est extrêmement proche. Vous savez bien, Jean Luc Mélenchon a théorisé toute son attitude. Il y a déjà plusieurs années, il a dit la règle, elle est simple, il faut tout conflictualiser. Il faut de tout sujet faire une guerre. Et faire une guerre avec les démonstrations les plus violentes qu'on peut trouver dans les mots, dans les actes, dans les attitudes. Vous voyez bien la manière dont ces élus se conduisent à l'Assemblée nationale. Ça n'est pas un hasard. Ce n’est pas un surgissement de sensibilité. C'est une stratégie absolument pensée.

Frédéric Haziza : Stratégie du chaos ?

François Bayrou : Oui, en tout cas de dire qu’il faut que nous mettions le feu. Ou il dirait probablement, comme il y a le feu, il faut que nous soyons au milieu du combat. Tout conflictualiser. Faire de tout une guerre, faire de tout une violence.

Frédéric Haziza : Ça débouche sur quoi ?

François Bayrou : Je pense que c'est dangereux. Je pense que c'est risqué. C'est peut-être même risqué pour eux aussi parce qu’ils se trouvent que, vous savez bien, l'écriture a dit depuis longtemps des choses sur si tu tires l'épée. Alors ce n’est pas de l'épée physique là, mais c'est une attitude de violence systématique dans les propos, dans les gestes, dans les actes, et ça menace au fond notre capacité à vivre ensemble.

Frédéric Haziza : Le pacte républicain ?

François Bayrou : Oui, le pacte républicain, le pacte démocratique, le pacte laïque. Vous voyez bien, vous êtes aux premières loges pour le voir, à quel point nous sommes une société fragile. À quel point nous sommes une société qui ne croit plus dans ces grands principes qu'elle a pendant très longtemps portés face au monde. Nous sommes fragiles et nous sommes dans le doute. Plus vous mettez le feu, plus vous accroissez le doute et plus vous accroissez la fragilité.

Frédéric Haziza : Pour finir avec cette séquence, le procès en antisémitisme fait à Mélenchon et LFI, il est justifié ou pas ?

François Bayrou : Vous voyez bien, si la thèse que je viens de défendre, c’est-à-dire tout ça est stratégique. Et bien, toutes les allusions, tous les mots utilisés, toutes les images utilisées sont évidemment une manière de faire des signes de connivence et des clins d'yeux aux plus violents ou au plus haineux, ou au plus de ceux qui détestent le plus et qui naturellement mettent la question de l'origine, la question de la religion, mais de l'origine juive en vérité, au cœur du procès qu'ils font.

Frédéric Haziza : Et vous qui avez été proche de Simone Veil, vous savez ce que ça veut dire ?

François Bayrou : Je sais de ce que ça veut dire, pas seulement par Simone Veil, et celui de ma famille politique. J'ai fierté à rappeler ça. En 38, quand il y a eu les accords de Munich, il y a une seule famille politique, toute petite à l'époque, qui s'y est opposée, c'est la mienne. Avec une phrase extraordinaire de quelqu'un qui après a connu d'autres déplacements, dérives peut-être, pour certains diront, qui a dit dans son éditorial du petit journal quotidien de cette famille politique qui s'appelait Le Parti Démocrate Populaire, voilà déjà… Il a dit, c'est la dernière phrase de l'édito sur Munich, le jour de Munich : lorsqu'il s'agit de dire non, le meilleur moment, c'est le premier.

Frédéric Haziza : Mélenchon est un munichois aujourd'hui ?

François Bayrou : Non…

Frédéric Haziza : Alors on en vient aux européennes. Dans 2 mois, les élections européennes, Jordan Bardella fait la course en tête avec, selon un sondage publié par Le Parisien Ipsos aujourd'hui, 16 points d'avance sur la liste de la majorité présidentielle à laquelle le MoDem participe, de Valérie Hayer. Quelque part, il y a le feu au lac ?

François Bayrou : Non. Il faut vraiment n'avoir jamais fait de campagne électorale pour se laisser entraîner dans ce genre de piège. Je ne crois pas à ce rapport de force là.

Frédéric Haziza : C'est quoi pour vous le réel rapport de force ?

François Bayrou : Je pense que les 2 mois que nous allons vivre et 2 mois c'est très long, sachant qu'une campagne européenne ça se joue généralement dans les 8 derniers jours, où va arriver à la conscience de nos concitoyens l'ampleur des défis que nous avons à relever. C'est ça qui va se passer.

Frédéric Haziza : Comment vous expliquez que cette campagne de Valérie Hayer pour l'instant, ne prenne pas ?

François Bayrou : Mais il n’y a pas de campagne, ni chez nous, ni chez les autres. Vous voyez bien, on a fait le cadeau au Front national de le transformer en opposant universel.

Frédéric Haziza : Vous dites Front national ?

François Bayrou : Front national, Rassemblement national, pour moi, c'est la même chose, ce sont les mêmes personnes d'ailleurs. Il n’y a que l'étiquette qui a changé. On leur a fait le cadeau de les transformer en opposants universels.

Frédéric Haziza : Qui leur a fait le cadeau, c'est Emmanuel Macron ?

François Bayrou : Non, tout le monde, toutes les forces politiques ont participé à ça.

Frédéric Haziza : On avance… Désormais pour limiter la casse…

François Bayrou : Non mais vous dites « on avance », mais j'avance, laissez-moi finir. On leur a fait le cadeau incroyable d'en faire les opposants universels.

Frédéric Haziza : On, c'est Macron ?

François Bayrou : Non, vous ne m'avez pas écouté, vous faites semblant. Chez moi, il y a un proverbe dans les Pyrénées que j'aime bien qui dit : vous faites l'âne pour avoir du son. Voilà.

Frédéric Haziza : Et donc quand vous dites ça…

François Bayrou : Donc oui, en langage compréhensible par tout le monde. Toutes les forces politiques se sont laissées prendre à ce piège. On en a fait

Frédéric Haziza : En faisant d'emblée des calculs ?

François Bayrou : On en a fait les opposants universels et comme il y a beaucoup de mécontentement, si vous avez la chance d'être l'opposant universel, je pense que ça ne va pas durer, mais si vous avez la chance d'être l'opposant universel, évidemment ça ouvre toutes les vannes pour que les voix viennent chez vous, en intention de vote.

Frédéric Haziza : Ça veut dire que les élections européennes elles sont en train de, elles sont, elles vont peut-être continuer, d'être un référendum pour ou contre Macron.

François Bayrou : Non, c'est pas du tout ça. Mais ce sont des, on appelle ça aux États-Unis des « midterm elections », c'est-à-dire la possibilité pour les électeurs pendant un mandat, sans remettre en cause la totalité du pouvoir, d'exprimer…

Frédéric Haziza : De pousser un coup de gueule ?

François Bayrou : Quelque chose, oui, ce genre-là, un mécontentement. Mais ça, c'est par temps calme, on est encore dans le temps calme. Personne, ou en tout cas une très grande partie de l'opinion, n'a pas pris la mesure des dangers, des risques, de la gravité de ce que nous sommes en train de vivre et de la gravité des menaces contre nous.

Frédéric Haziza : Et on va en parler parce qu'il y a toutes les menaces contre nous notamment, et puis la situation économique, budgétaire, sociale en France. Emmanuel Macron, est ce qu’il doit s'impliquer dans la campagne ? Comment ? Il va parler demain matin sur BFM. Qu'est-ce qu'il doit faire donc pendant cette campagne ?

François Bayrou : Il va s'engager dans la campagne parce que ce qui est en jeu c'est la survie du modèle français. Le modèle que nous avons construit chez nous…

Frédéric Haziza : À travers ces élections ?

François Bayrou : Oui, et que nous proposons au monde. Ce modèle-là, il ne peut pas subsister si l'Europe n'a pas son intégrité et sa liberté et sa puissance.

Frédéric Haziza : Ça veut dire que si la liste de la majorité fait moins de 20% avec un écart aussi important par rapport au RN, le modèle français sera mort ? Non, mais vous dites ce qui est en jeu, c'est le modèle français.

François Bayrou : Vous êtes au micro, vous avez des auditeurs qui vous apprécient, alors essayons de garder la mesure dans l'expression. Voir un risque, ça n’est pas condamner toute issue positive. On a toujours la possibilité de se redresser, on a toujours la possibilité de reconstruire. Penser qu'il y a de l’irrémédiable, c'est une erreur. Et donc ne laissons pas prospérer ce genre de choses. Parce que là, vous leur rendez-vous vous des services considérables.

Frédéric Haziza : Vous, François Bayrou. Est-ce que c'est vrai que vous allez être sur la liste ?

François Bayrou : Si on me le demande j'y serai.

Frédéric Haziza : On ne vous l'a pas déjà demandé ?

François Bayrou : L'idée a été évoquée mais il n’y a pas eu de demande formelle.

Frédéric Haziza : Quelle position ? Dernière ?

François Bayrou : Oui, enfin en tout cas quelque part. Il sera clair que je ne suis pas candidat pour être député européen, je l'ai été il y a longtemps, j'ai conduit une liste il y a longtemps qui a d'ailleurs changé une partie du paysage politique français, et donc qu’il soit clair que c'est pour soutenir.

Frédéric Haziza : Gabriel Attal, il doit s'impliquer aussi ?

François Bayrou : Je pense qu'il le fera bien sûr.

Frédéric Haziza : Alors autre dossier, qui est lié aussi à ça. Depuis des années, vous alerter, François Bayrou, sur l'état des finances publiques, de la dette, des déficits. Est-ce que comme le disait François Fillon, j'allais dire François Bayrou, François Fillon en 2007, il y a 17 ans déjà, la France est un État en faillite ?

François Bayrou : Il ne disait pas ça en 2007, il disait ça en 2017. Si ma mémoire est fidèle.

Frédéric Haziza : Non, non, quand il est devenu Premier ministre, en 2007.

François Bayrou : Ça avait beaucoup fâché Nicolas Sarkozy puisqu’il avait dit « je suis à la tête de l'État », ce qui n'était pas tout à fait la vérité. Non, mais en 2007 comme en 2002, comme en 2012, j'ai conduit une campagne présidentielle sur ce sujet-là parce que je pensais, je pense toujours, qu’il y a là un autre des risques majeurs pour l'avenir du pays. Convenons ensemble que personne n'a écouté et que cette voix qui clamait dans le désert, elle n'a pas réussi à changer les choses. Je le regrette parce que notre situation est aujourd'hui…

Frédéric Haziza : Vous allez dire que j’ai une obsession, mais y compris Emmanuel Macron ?

François Bayrou : Ça n’est pas tout à fait juste. Mais je reviendrai sur ce sujet. Si à l'époque on avait fait ce que je proposais, c’est-à-dire un plan de retour à l'équilibre des finances publiques ou en tout cas un meilleur équilibre des finances publiques. Nous n'en serions pas où nous en sommes.

Frédéric Haziza : Qu’est-ce qu’il faut faire ?

François Bayrou : Mais pleurer sur le lait renversé n'est pas un exercice intéressant. Ce qu'il faut, c'est regarder l'avenir, prendre la situation comme elle est. Et il y a beaucoup de choses qui ont changé, si vous me permettez d'aller au bout… Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Et ce qui a changé en particulier, c'est que les États-Unis ont choisi un modèle de développement par le déficit et avec le soutien de la Banque centrale américaine.

Frédéric Haziza : Donc quel rôle pour la Banque centrale européenne ?

François Bayrou : Le déficit… Vous savez que le déficit de la France est à 5 et quelques pourcents et que ça a fait beaucoup de polémiques en France. Le déficit des États-Unis, selon l'Institut de recherche indépendant du Congrès américain, est à 6% et va être durablement au-dessus de 8%.

Frédéric Haziza : Donc ça veut dire est-ce qu'il faut enterrer les 3% imposés ?

François Bayrou : Oui, il faut se le proposer comme but, mais il faut identifier où a été la faute, et j'oserais presque dire où a été le crime pendant ces 20 années où j'ai essayé de faire entendre ça.

Frédéric Haziza : Où, quand, comment et par qui ?

François Bayrou : C’est extrêmement précis. La dette n'est pas mauvaise en soi. La question de la dette, c'est qu'est-ce que vous en faites ? La bonne, enfin, la bonne vision de la dette ou la bonne stratégie pour la dette aurait été que la dette nous permette un développement économique, une croissance, une maîtrise des technologies, une maîtrise de la recherche, que ça soit de l'investissement.

Frédéric Haziza : Ça c'était le passé. L'avenir ?

François Bayrou : Non…

Frédéric Haziza : C’est ce qui n'a pas été fait. Maintenant, il faut voir qu’est-ce qu’il y a à faire ?

François Bayrou : Et on s'est servi de la dette, au contraire, pour le fonctionnement. C’est-à-dire pour payer les dépenses de tous les jours. Et parmi les dépenses de tous les jours, vous savez que je l'ai mis en évidence récemment, il y a les retraites par exemple, et puis il y a la sécurité sociale, et puis il y a le fonctionnement quotidien de l'État. Rien pour l'investissement ou presque rien pour l'investissement. Il y a que les collectivités locales qui se sont servies de l'emprunt pour investir. Et donc la première des choses qu'il faut avoir en tête étant donné ce paysage mondial où les États-Unis ont une capacité de déficit budgétaire et une capacité de maîtrise monétaire telle…

Frédéric Haziza : Et donc quelque part, de dominer le monde ?

François Bayrou : Oui, de dominer tout ce qui est sensible dans le monde, d'avoir le contrôle de tout ce qui est le chemin ou les outils du développement technologique, par exemple, de tout ce qu'est l'intelligence artificielle, par exemple, tout ce qui est le cloud, tout ce qui est numérique, est si sensible. Les États-Unis ont les moyens, se sont donnés les moyens, en conduisant en même temps une politique que je recommande depuis longtemps, de réindustrialisation chez eux.

Frédéric Haziza : Et donc c'est le cas en France ?

François Bayrou : Ils ont réinstallé des usines dans des endroits où il y avait des usines automobiles abandonnées.

Frédéric Haziza : Détroit et compagnie.

François Bayrou : Ils ont réinstallé une capacité de production, eux ont eu une stratégie. Cette stratégie-là, l'Europe et la France doivent en tenir compte.

Frédéric Haziza : Est-ce que c'est déjà le cas puisque Emmanuel Macron, ses ministres, parlent de réindustrialisation, est ce que c'est déjà le cas ou pas ?

François Bayrou : En tout cas il y a un effort qui a été initié avec ce qui s'appelle France 2030. Une capacité d'investissement un peu plus importante que celle que nous avions, à mon sens, pas tout à fait à la dimension. Et donc parce que ça, c'est un enjeu essentiel, et donc les parlementaires européens que nous allons envoyer, nous Français, pour nous représenter à Strasbourg et à Bruxelles, on doit dans leur feuille de route marquer que leur influence à l'égard de la Banque centrale européenne doit s'exercer dans le sens de l'investissement, de la recherche et de la croissance.

Frédéric Haziza : Plusieurs questions précises. Il y a eu le plan annoncé par Bruno Le Maire y a quelques semaines de 10 milliards pour combler le déficit pour de 2024, qui doit être suivi par un autre plan d'économies pour 2025. Est-ce que dans un premier temps vous étiez favorable à un plan rectificatif de la de de loi de finances ?

François Bayrou : Non. Je pense que la décision qui a été prise est raisonnable.

Frédéric Haziza : Autre chose. En ce qui concerne les économies à réaliser, Bruno Le Maire souhaitait pardon, Bruno Le Maire a parlé de TVA sociale aussi. Est-ce que ça va dans le bon sens ou pas ? Il en parle dans son livre.

François Bayrou : C'est formidable. La vie, parfois…

Frédéric Haziza :  je vous vois sourire.

François Bayrou : … ça offre des surprises. Bruno Le Maire, si j'ai bien suivi l'actualité, je la suis moins que vous, mais parce que les Pyrénées c'est loin et que chez nous peut-être, on ne voit pas tout, mais enfin bon. Bruno Le Maire a passé des années à dire : jamais un impôt nouveau. Ouais et là il propose, si j'ai bien compris, 5 points de TVA. En tout cas, c'est une des pistes qu'il propose d'explorer. 5 points de TVA. La TVA, ça a une caractéristique précise, c'est un impôt sur les pauvres. C'est-à-dire, c'est un impôt sur les pauvres parce que…

Frédéric Haziza : donc c'est injuste ?

François Bayrou : … il est exactement proportionnel au pourcentage des revenus que la famille consacre à la consommation. Les gens qui ont le moins de moyens y consacrent tous leurs revenus à la consommation. Et donc vous ponctionnez les pauvres, vous ponctionnez les plus pauvres, ou en tout cas ceux qui n'ont pas les moyens, pour mettre un peu plus de de facilité pour les autres. C'est absurde pour moi. Alors ce n'est pas d'aujourd'hui que je dis ça, je m'y suis opposé. Vous vous souvenez peut-être que Jean Louis Borloo, Jean Louis Borloo et puis d'autres … TVA sociale, c'est un sujet qui revient comme un serpent de mer dans les débats politiques français, vous savez pourquoi ? Parce que c'est une solution de facilité. C’est un impôt indolore et c'est un impôt qui touche les pauvres et pas ceux qui ont les moyens.

Frédéric Haziza : Comment on trouve les économies nécessaires ? En rognant sur les dépenses de santé, sur le budget des collectivités locales, je sais que vous y êtes attaché, sur les dépenses de de santé, on l'a déjà dit, sur le social ou en augmentant les impôts ?

François Bayrou : Si vous n'avez que l'approche, avec… sabrer dans les dépenses de la vie de tous les jours, vous n'y arriverez pas. C'est pourquoi je dis il faut 2 choses. Premièrement il faut un plan de long terme de retour à l’équilibre ou à un meilleur équilibre.

Frédéric Haziza : Long terme, c’est-à-dire au-delà de 10 ans ?

François Bayrou : Voilà,10 ans. Faut que nous sachions écrire notre avenir sauf guerre sauf surprise majeure…

Frédéric Haziza : Entre nous, ça fait des décennies qu'on dit ça…

François Bayrou : Ça fait des décennies qu'on dit ça et qu'on ne le fait pas. Et vous m'accorderez au moins de mettre toujours battu sur ce sujet-là. Sans jamais varier. Et donc il faut un plan de long terme de retour à cela. Il faut ensuite une capacité de reconsidérer l'organisation de l'action de l'État. Je suis persuadé qu'il y a dans notre organisation des pouvoirs publics beaucoup…

Frédéric Haziza : trop de fonctionnaires ?

François Bayrou : …d'amélioration, beaucoup de choses à gagner. Pas des fonctionnaires de terrain, vous comprenez ? Ce n’est pas toujours la même chose. Quelle est la ruse suprême, de ceux qui ne veulent pas qu'on regarde ? Ils disent, mais où est ce que vous allez sabrer ? Dans les salles de classe des écoles et des collèges et des lycées dans les hôpitaux ou bien dans la police ou bien dans les magistrats ? Est ce que l'action publique en France est efficace ? Non, pas assez. Est-ce que l'action publique en France soutient les initiatives de terrain ? Non, pas assez. C'est pourquoi avec le président de la République, on a conçu cette idée de la refondation de l'action publique en partant du terrain. Je suis absolument persuadé qu'on peut obtenir une réorganisation qui soit une réorganisation de soutien à ce que les initiatives de terrain font et pas pour brider ou pour freiner.

Frédéric Haziza : Une question qui vous concerne en tant que président du MoDem. Jean-Paul Matteï, président de votre groupe à l'Assemblée, souhaite depuis 2 ans au moins, une taxe sur les super profits, sur les super dividendes des grandes entreprises. Est-ce que c'est dans l'actualité, toujours d'actualité ? Est-ce que Emmanuel Macron, d'après ce que vous savez, l'accepte ?

François Bayrou : Non, je ne pense pas que ni le président de la République ni le gouvernement, s'ils soient montrés favorables jusqu'à maintenant… Non mais laissez-moi préciser. Il y a probablement un domaine d'action qui est cette pratique des très grandes entreprises de rachat de leurs propres actions.

Frédéric Haziza : Et ça Gabriel Attal l'a annoncé.

François Bayrou : Oui, vous voyez bien, on annonce…

Frédéric Haziza : Vous dites « là, il faut que ce soit fait » !

François Bayrou : Je pense que là il y a un domaine précis.

Frédéric Haziza : Alors on précise pour nos éditeurs : ils achètent les actions pour faire monter le cours…

François Bayrou : Absolument. Et donc ça, ça n'est pas un avantage pour l'entreprise, c'est un avantage pour les actionnaires. Et de ce point de vue-là, on a le droit de réfléchir et de critiquer. Qu'est-ce qu'il y a derrière l'idée de Jean-Paul MatteÏ et d'un certain nombre de nos députés de notre groupe ? Et il y a eu un constat très simple, vous ne pouvez pas demander des efforts aux Français si vous ne donnez pas des signes de justice. Si ces efforts ne doivent pas être partagés… et donc oui, je pense qu'il y a presque un devoir de mieux équilibrer les efforts. Et de faire en sorte que personne en France n'ait le sentiment que ceux qui sont ciblés, c'est ceux qui ont le moins de moyens, et ceux qui ne sont pas ciblés, c'est ceux qui ont le plus de moyens.

Frédéric Haziza : Justement, vous parlez de signes de justice. La réforme de l'assurance chômage, est-ce que vous considérez que ça va dans le bon sens ? Vous soufflez, ça veut dire non ?

François Bayrou : Non, je ne veux pas être sommaire. Je pense que d'abord, ça devrait faire l'objet d'un travail en commun

Frédéric Haziza :  En amont ?

François Bayrou : En amont, avant la décision, avant les modalités de la décision. Il y a un certain nombre de mes amis qui disent qu'il n'est pas vrai que ce soit des choix majoritairement répondu de ne pas travailler pour profiter des avantages. Ce n’est pas ça le chômage en France. Le chômage en France, ce n’est pas ça. Le chômage en France, c'est des gens qui voudraient travailler mais qui ne trouvent pas l'emploi ou ce qu'ils imaginaient être leur emploi, à la dimension de ce qu'ils sont capables de faire.

Frédéric Haziza : Quatre minutes… un certain nombre de questions…

François Bayrou : Et avec la récompense qui doit aller avec !

Frédéric Haziza : Est ce qu'il faut taxer les livres d'occasion, puisque vous êtes un lecteur, comme le propose Emmanuel Macron au moment d'ailleurs où les jeunes boudent la lecture ?

François Bayrou : Il est rare que je sois en désaccord avec le président de la République, mais là je suis en désaccord.

Frédéric Haziza : Une bêtise ?

François Bayrou : Pardon ?

Frédéric Haziza : C'est une bêtise ?

François Bayrou : Non, chacun a le droit de proposer des idées.

Frédéric Haziza : Gérard Larcher, il donne une grande interview au JDD aujourd'hui, il dépeint un pays comme la France comme un pays désabusé, mené par un président de la République bunkérisé qui n'écoute ni le Parlement ni même parfois ses collaborateurs. Il juge le budget insincère et il dit, tout ça, ça va mal finir, et vous ?

François Bayrou : Oui, pour faire le bilan, je l'ai moi-même fait dans Marianne cette semaine, de cette énorme crise française qui est la rupture entre la base de la société et ceux qui sont réputés en être le sommet.

Frédéric Haziza : Ça va mal finir ?

François Bayrou : Je suis moi très préoccupé de ce point de vue-là et je crois qu'il y a des politiques à mener et des stratégies à mener et des plans à construire pour en sortir. Et donc l'idée que tout va s'effondrer est une idée qu'on entend très souvent dans les oppositions.

Frédéric Haziza : Vous l'avez vous-même dit, vous l'aviez dit quand vous étiez dans l'opposition ?

François Bayrou : Oui, mais c’était vrai. Qu'est-ce que j'ai dit dans l'opposition pendant des années ?

Frédéric Haziza : Parce qu'il reste deux minutes…

François Bayrou : Puisque vous me cherchez, vous allez me trouver…qu'est-ce que qu'est-ce que j'ai dit ? J'ai dit que le monopole a 2 qui était exercé par le PS et les LR, ce monopole à 2 condamnait la France à ne pas pouvoir faire face aux difficultés, et c'était strictement vrai.

Frédéric Haziza : Gérard Larcher, il envisage aussi une motion de censure budgétaire à l'automne.

François Bayrou : Oui, c'est un risque perpétuel.

Frédéric Haziza : Mais un risque perpétuel, vous pensez que c'est avéré ?

François Bayrou : Je pense que c'est possible et je pense que ça doit nous amener à regarder en face, parce que là, on a le mois de mai, les européennes et les Jeux olympiques. Donc on est dans une séquence.

Frédéric Haziza : Qu'est-ce qu'il faut faire d'ici-là, coalition avec les LR ?

François Bayrou : Non, la coalition, ça n'est pas la 5e République. Je sais que tout le monde répète ça à l'envie et vous aussi. La 5e République, c'est un président élu

Frédéric Haziza : Sur un projet…

François Bayrou : Qui n'est pas prisonnier du jeu des partis et qui constitue une majorité gouvernementale en tenant compte de l'Assemblée nationale, comme elle.

Frédéric Haziza :  S’il y a une mode de censure. Des solutions ?

François Bayrou : Je demande qu'on réfléchisse à la question de nos institutions au sens large et du mode de scrutin, en particulier de la loi électorale.

Frédéric Haziza : Yaël Braun-Pivet elle va dans le bon sens quand elle dit il faut un mode de scrutin proportionnel avec 24 à 26% de députés élus à la proportionnelle ? Ce que vous dites depuis des années !

François Bayrou : Franchement je pense que les détails de cette proposition ne sont pas adaptés à la situation puisqu’elle dit, si j'ai bien compris, on va faire la proportionnelle dans un département sur 10, les plus gros, les plus riches…

Frédéric Haziza : Où il y a le plus de députés élus.

François Bayrou : Donc je ne trouve pas que ça soit…

Frédéric Haziza : Vous étiez à un moment favorable à une proportionnelle intégrale ?

François Bayrou : Je suis favorable à ce que la loi électorale soit une loi électorale juste, intégralement juste, c'est-à-dire proportionnelle. François Mitterrand l'avait fait entre 84 et 86. De nos jours…

Frédéric Haziza : Il la faudra aujourd'hui ?

François Bayrou : De nos jours, les Allemands font ça très bien avec une loi très très élaborée. Donc il faut le faire.

Frédéric Haziza : Proportionnelle intégrale, réforme...

François Bayrou : Vous savez pourquoi ? Parce que ça évite que quelque mouvement brutal et notamment quelque mouvement extrême que ce soit, puissent prendre le contrôle de nos institutions.

Frédéric Haziza : Vous avez parlé de la réforme des institutions, elle a été enterrée au début du précédent quinquennat, il faut qu'elle soit votée avant la fin de celui-ci ?

François Bayrou : C'est ma conviction.

Frédéric Haziza : C'est votre conviction et c'est aussi la conviction du président ?

François Bayrou : Ça vous lui demanderez.

Frédéric Haziza : Dans ce contexte de tension internationale, ça sera la dernière question, en Ukraine, au Proche-Orient, mais aussi la situation économique, budgétaire tendue en France et d'interrogations, vous en avez parlé sur le modèle français ou sur la laïcité, un sujet qu'on n'a pas abordé. Je suppose que vous dites que pour 2027, il faut un homme d'expérience pour succéder à Emmanuel Macron ?

François Bayrou : Vous avez besoin de votre scoop à tout prix ce dimanche dans votre émission. Alors je ne vous donnerai pas de scoop, mais je vous dis une chose avec certitude et que j'ai déjà dit à ce micro 10 fois, l'élection présidentielle est l'élection majeure et pour quelque citoyen que ce soit, candidable ou pas candidable, on n’a pas le droit de s'en désintéresser. C'est là que ça se joue, parce que c'est le moment où se forme la conscience de la nation sur son avenir et où chacun peut participer à son expression.

Frédéric Haziza : Qu'est-ce que vous répondez à vos amis qui disent : le candidat ça doit être Bayrou ? Le prochain président ça doit être Bayrou ?

François Bayrou : Il y a beaucoup de gens qui pensent bien et juste dans notre pays et je n’ai pas de message particulier à leur adresser.

Frédéric Haziza : Non, mais je vois sourire. Vous avez toujours envie d'être président de la République ?

François Bayrou : Ce n’est pas envie d'être président. Je ne laisserai jamais les combats majeurs se dérouler sans que, tout ce que je crois de la vie, pas seulement de mon pays et de l'histoire de la vie, y soient représentés.

Frédéric Haziza : Vous ne considérez pas, comme certains disent, que vous êtes trop vieux pour le président ?

François Bayrou : Si je vois les autres chefs d'État de la planète, non, franchement je ne considère pas, il se trouve que tous les autres chefs d'État de la planète sont plus âgés ou beaucoup plus âgés.

Frédéric Haziza : Donc être candidat et éventuellement président en 2027, c'est possible ?

François Bayrou : Je ne vis pas avec cette obsession. Je vis avec l'idée tragique presque, que les enjeux sont sur la table. Ils sont gravissimes. Ce sont des enjeux majeurs. Et on ne propose pas de réponse qui soit à la dimension de ces enjeux-là.

Frédéric Haziza : Et on arrive à la fin…

François Bayrou : Ce que nous avons sous les yeux - à la fin de l'émission ou pas - ce que nous avons sous les yeux, ce sont les clés mêmes de notre avenir. Qui s'en occupe ? Qui dit… qui donne des voix compréhensibles ? Pas assez. Et je compte bien aider à ce que ce courant de l'avenir se forme et se renforce.

Frédéric Haziza : Merci en tout cas François Bayrou, Monsieur le candidat Bayrou, Monsieur le Président peut être, d'avoir répondu à notre invitation. Bonne fin d'après-midi sur Radio J, à dimanche prochain.

François Bayrou : Merci.

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